LES TEMPS MODERNES

 

L'apport du XIX° siècle, dans tous les domaines, sciences pures et appliquées, médecine, pharmacie, va dépasser celui de tous les siècles précédents. C'est le triomphe des sciences fondamentales. Lamarck, botaniste et zoologiste, publie une théorie de l'évolution et crée, dès 1802, le terme de biologie. Le moine J. Mendel, botaniste fonde la génétique et formule les lois de l'hérédité. Mendeleiev établit la classification périodique des éléments chimiques.

La révolution expérimentale en médecine

Au cours de ce siècle, les progrès en médecine et en pharmacie sont considérables, et ce particulièrement en France. C'est le siècle de Bichat, Corvisart, Trousseau, Dieulafoy, Potain, Charcot. Laennec invente le stéthoscope et est l'auteur du Traité de l'auscultation. Son adversaire, Broussais préconise la saignée et remet ainsi à la mode les sangsues. Le renom de la médecine française est à son apogée.

La physiologie expérimentale est fondée par Claude Bernard et son maître, Magendie qui effectuent en 1844 le premier cathétérisme cardiaque expérimental. Magendie a en horreur théories et systèmes. Il a coutume de dire : "Quand j'expérimente, je n'ai que des yeux et des oreilles, je n'ai pas de cerveau." Son oeuvre scientifique est immense. Il découvre les fonctions des nerfs rachidiens, étudie sur l'animal l'action de la morphine, de la strychnine. La thèse de son élève; Claude Bernard, sur le suc gastrique a un grand retentissement, ce qui ne l'empêche pas d'être battu à l'agrégation par Sappey qui sûr de lui, déclare : "J'enseignerai mieux que lui ce qu'il inventera." Seule façon dont le nom de Sappey passera à la postérité! Trois ans plus tard, Claude Bernard supplée Magendie, malade, dans sa chaire au Collège de France et déclare lors de son premier cours : "La médecine scientifique que j'avais pour mission de vous enseigner n'existe pas." Il publie l'introduction à la Méthode expérimentale qui a un retentissement comparable à celui du Discours de la Méthode de Descartes au XVII° siècle. Ainsi il donne l' impulsion nécessaire pour que la médecine, se dégageant de l'empirisme, devienne une véritable science. Le génie de Pasteur fera le reste.

F. Magendie

 

Maladies du siècle et atouts de la Biologie

Tuberculose, choléra, fièvre puerpérale ont déjà un long passé. Hippocrate avait fort bien identifié la tuberculose pulmonaire dénommée phtysie (phtisein =  dépérir) avec ses symptômes : amaigrissement, langueur, toux, sang dans les crachats. D'autres formes de tuberculose, osseuse, ganglionnaire sont connues, la tuberculose ganglionnaire ou écrouelles  guéries, selon les chroniqueurs,  par le toucher du roi. La littérature du siècle décrit l'évolution de la maladie avec son issue inexorable et tragique chez les jeunes. Le choléra, considéré comme propre aux pays exotiques, en raison des échanges commerciaux, sévit de nouveau. L'épidémie de 1832 à Paris a commencé en Inde et s'est manifestée dans le monde entier. La fièvre puerpérale, fièvre atteignant l'accouchée, à la suite d'une infection utérine, fait de nombreuses victimes. Grâce à l'oeuvre pastorienne ( découverte des germes responsables des fermentations, du rôle pathogène des microbes ainsi que l'étude des procédés de stérilisation)   , ces affections comme beaucoup d'autres vont voir leur pronostic changé. Chirurgie et obstétrique vont faire de réels progrès. Ainsi, après les travaux de Lister et Lecomte de Nouy sur l'asepsie, Semmelweis et Pasteur découvrent que l'agent de la fièvre puerpérale est le streptocoque véhiculé d'une patiente à l'autre par les accoucheurs. 

Ceux-ci sont en butte à l'incompréhension du monde médical de l'époque. Semmelweis restera incompris et sera mis à l'écart par ses confrères. Les partisans de la génération spontanée perdent peu à peu de terrain. le microscope permet d'affronter le domaine jusque là mystérieux des microbes et de prouver l'absence d' une génération spontanée. Pasteur peut conclure : "Dans l'état actuel de la science, la doctrine des générations spontanées est une chimère." Devant le corps médical qui accueille avec réticence les idées nouvelles, Pasteur proclame : "Si j"avais l'honneur d'être chirurgien, pénétré comme je le suis des dangers auxquels les exposent les germes des microbes répandus à la surface de tous les objets, particulièrement dans les hôpitaux, non seulement je ne me servirais que d'instruments d'une propreté parfaite, mais, après avoir nettoyé mes mains avec le plus grand soin et les avoir soumises à un flambage rapide, je n'emploierai que de la charpie, des bandelettes, des éponges préalablement exposées dans un air porté à la température de 100° à 150° ;  je n'emploierais qu'une eau qui aurait subi la température de 110° à 120°."

Pasteur

 Pasteur découvre également  le phénomène du vieillissement des cultures microbiennes, la méthode de l'atténuation des virus et le principe de la vaccination qu'il applique à la prévention du Charbon et au traitement de la rage. Le 6 juillet 1885, Pasteur essaie avec succès le vaccin antirabique sur un jeune garçon.  Jenner, déjà au XVIII° siècle, avait démontré que l'immunité contre la variole pouvait être obtenue en inoculant à l'homme la variole des bovidés.

Après les travaux de Pasteur, une nouvelle arme contre les bactéries et les virus est née, le vaccin. L'un d'eux contre le bacille responsable de la tuberculose, le bacille de Koch (identifié par Koch en 1882) est préparé par Calmette et Guérin avec un bacille privé de virulence, le B.C.G. (1922).

Les plantes livrent leurs secrets : les alcaloïdes et les glucosides :

Sont extraits des végétaux, alcaloïdes et glucosides, principes actifs mieux dosables, plus efficaces, plus constants dans leurs effets que les extraits utilisés jusqu'alors.   L'opium, obtenu par incisions circulaires des capsules de pavot, utilisé depuis plus de 3000 ans, est très prescrit au XIX° siècle comme somnifère ainsi que contre les fièvres intermittentes, les douleurs et les spasmes. Administré sous forme d'élixir parégorique, c'est un antidiarrhéique et un calmant.

A partir de l'opium, sont découverts après les travaux de Derosne et Séguin, la morphine par Sterturner en 1806, la codéine, aux propriétés antalgique et antitussive, par Robiquet en 1832, la papavérine, spasmolytique et vasodilatatrice, par Merck en 1848.

Pelletier et Caventou isolent à partir de la noix vomique, la strychnine, la brucine; de l'ellébore, la vératrine; du quinquina, la quinine. Par la suite, Pelletier fabrique industriellement la quinine avant de fonder avec Robiquet une maison de produits chimiques. De l'Ipécacuanha, Magendie et Pelletier isolent l'émétine (1817), vomitif puissant; du Café, Runge et Caventou, la caféine (1820).

En isolant certains principes actifs, des plantes utilisées dans des pratiques de sorcellerie sont démystifiées. Il en est ainsi de la Belladone, de la Mandragore, de la Jusquiame, du Datura stramonium.

La Belladone, désignée successivement aux XV° et XVI° siècles sous les noms de Solanum furiale et de Solanum somniferum, devient avec Linné, l'Atropa belladona, la plante qui, tel Janus, a deux visages. Atropa, la Parque chargée de couper le fil des vies humaines. Belladona évoque l'utilisation que les belles italiennes en faisaient dans la préparation de fards. Appliqués sur les paupières, ils provoquaient une dilatation de la pupille (mydriase) et donnaient un regard enjôleur. En 1833, Mein, Geiger et Hessé isolent à partir de cette plante, l'atropine  déjà entrevue par Vauquelin en 1809. L'atropine présente une activité antispasmodique (au niveau des bronches, c'est un antiasthmatique), ralentit les mouvements de l'intestin (antidiarrhéique), dilate la pupille, accélère le rythme cardiaque, tarit les sécrétions. A doses élevées, elle provoque délires, hallucinations, stupeur qui faisaient utiliser la plante en sorcellerie. De la Jusquiame, Geiger et Hesse isolent l'hyosciamine. Du Datura stramonium ou "Herbe des sorciers", sont obtenus l'hyosciamine et la scopolamine, de la Mandragore, l'atropine et l'hyosciamine.                                                                     

De l'Erythroxylon Coca, Niemann isole en 1859, la cocaïne. Cet alcaloïde sera utilisé pour ses propriétés toniques et en anesthésie locale. 

Vulpian et Claude Bernard en 1844 étudient l'activité physiologique des curares obtenus à partir de diverses espèces de Strychnos. Mais il faudra attendre 1935 pour l'isolement de la D-tubocurarine, qui sera utilisée en anesthésiologie. Les recherches de Claude Bernard l'amènent à défendre la vivisection, ce qui lui vaut l'hostilité de sa femme. Après leur séparation, sa femme créera la Société Protectrice des Animaux.

Des maladies mystérieuses des siècles passés trouvent une explication grâce à la découverte de certains principes actifs. Ainsi, à partir de l'ergot de seigle, champignon qui parasite des épis de seigle sauvage, Tanret isole, en 1875, l'ergotinine. Seront par la suite découverts, d'autres alcaloïdes, ergotamine, ergotonine à partir desquels, les chimistes prépareront des dérivés hydrogénés tels que la dihydroergotamine. Comme les dérivés naturels, ils ont des propriétés vasoconstrictrices et sympathomimétiques qui les font utiliser dans l'hypertension, les crises de migraine et les déséquilibres neuro-végétatifs.

Les tonicardiaques, le grand succès des plantes médicinales

Nativelle isole en 1869 la digitaline (glucoside) entrevue par Homolle en 1844, à partir de la Digitale déjà remarquée par un médecin anglais dès 1775. L'efficacité de la digitaline dans l'insuffisance cardiaque ne sera prouvée que vers 1930. C'est le médicament de choix de l'insuffisance ventriculaire. C'est la règle des 3 R : ralentit, renforce et régularise le coeur.

Stenhouse, en 1851, isole, à partir du Genêt à balais, la spartéine, dont Houdé découvre en 1885 les propriétés stimulantes sur le coeur. Cette plante était entrée dans l'histoire au XI° siècle lorsque Geoffroy en ornait son casque et était ainsi devenu Plantagenêt, fondateur d'une dynastie anglaise.

La revanche de la chimie de synthèse

Celle-ci trouve des applications thérapeutiques en :

Anesthésiologie:

Le chloroforme est découvert vers 1831 presque simultanément par Soubeiran en France, par Liebig en Allemagne et par Guthrie en Amérique. Sa formule exacte est établie en 1835 par Dumas qui lui donne son nom. Il est utilisé en anesthésie par Simpson en 1847.

L'éther éthylique a été obtenu probablement dès 1540 par l'alchimiste Valerius Cordius et étudié par la suite par Grosse, Duhamel de Monceau, de Gassicourt et Baumé mais ce n'est qu'au XIX° siècle que sa formule est établie par Saussure en 1807,  par Gay-Lussac en 1815 et par Gerhardt en 1842. Jackson de Boston découvre ses propriétés anesthésiques. Les premières anesthésies sont réalisées par le Docteur Long et le dentiste Morton.

Le protoxyde d'azote ou gaz hilarant est utilisé en anesthésie par Horace Wells qui l'expérimente sur lui-même. Il se fait arracher une dent sous anesthésie par ce gaz et  s'exclame: "Cela ne m'a pas fait plus de mal qu'une piqûre d'épingle! Une ère nouvelle s'ouvre en chirurgie dentaire." Le protoxyde d'azote, utilisé par Wells est connu depuis le 11 avril 1799, jour où H. Davy s'étant aventuré à respirer ce gaz éprouve des vertiges et se sent gagné par un état euphorique proche de l'ébriété.

Cardiologie

En 1867, l'écossais Brunton découvre l'intérêt du nitrite d'amyle, isolé par Balard en 1844, pour traiter les douleurs de l'angine de poitrine. En 1879, l'anglais Murrell découvre une substance qui présente des effets thérapeutiques semblables à ceux du nitrite d'amyle, la trinitrine ou nitroglycérine. Celle-ci est obtenue en 1847 par les italiens Ascanio et Solrero. C'est un liquide huileux, sensible aux chocs. Alfred Nobel, en la mélangeant à de la matière siliceuse, obtient une substance solide, plus facile à manier, la dynamite.

Si le monde végétal a livré avec la spartéine et la digitaline, ses atouts coeur, la chimie de synthèse n'est pas en reste avec le nitrite d'amyle et la trinitrine.  

Echec à la douleur avec une molécule qui annonce le XX° siècle: l'aspirine.

"maladie de fièvre forte et aiguë" Livre des Faiz Monseigneur Saint-Louis, XIII°siècle, BNF. 

Le traitement des fièvres a toujours été une préoccupation essentielle de la médecine. En 1849, A. Hofmann cherche un composé pouvant être transformé en quinine par voie chimique. W.H. Perkin essaye de transformer la toluidine, composé ressemblant, selon lui, à la quinine. Au cours de ses recherches, il obtient, à partir du goudron de houille, l'aniline. Trop toxique, elle n'est pas retenue. Des dérivés sont recherchés.  L'acétanilide, l'antipyrine, le pyramidon dont l'emploi prolongé est à éviter. Risques d'agranulocytose lors de l'administration prolongée d'antipyrine.        Si les feuilles de saule étaient utilisées en Grêce, du temps d'Hippocrate, comme en Amérique, chez les Incas, pour combattre douleur et fièvre, ce n'est qu'en 1829, qu'un pharmacien français, H. Leroux, identifie le principe actif de l'écorce de Saule, la salicine, à partir de laquelle les chimistes isolent l'acide salicylique. A la même époque, Pagenstrecher, pharmacien suisse, isole par distillation, à partir des fleurs de Reine des prés (Spiraea ulmaria), l'aldéhyde salicylique, de structure proche de la saliciline. En 1853, Gerhardt réalise la première acétylation de l'acide salicylique et synthétise ainsi l'aspirine. Ce chercheur a déjà été remarqué en 1842 pour avoir attaqué les conceptions des chimistes de son époque, Berzélius, Liebig, Dumas et avoir proposé avec Laurent, la théorie atomique en adoptant l'hydrogène comme unité dans les combinaisons. Malgré cette synthèse de l'aspirine, il est écarté de l'Université de Paris, le chimiste Dumas dont il avait critiqué les théories, étant devenu ministre de Napoléon III. Ce n'est qu'en 1855 qu'il deviendra chef du département de Chimie à l'Ecole de Pharmacie de Strasbourg, peu de temps avant sa mort. Quarante ans plus tard, Hoffmann cherchant  un médicament pour soigner les douleurs rhumatismales de son père, obtient l'acide acétylsalicylique pur qu'il dénomme Aspirin avec "A" pour acétyl, "spir" pour acide de la spirée et "ine" comme désinence chimique. D'emblée, succès fabuleux. 

C'est par un heureux concours de circonstances que sont découvertes les propriétés analgésiques de l'aspirine. Celle-ci avait été distribuée par Eichengrün, un chercheur de Bayer à des médecins pour confirmer son efficacité dans le traitement des rhumatismes. Parmi les malades traités figurait un dentiste qui l'administra à un patient souffrant de douleur dentaire à la place de l'antipyrine manquante ce jour-là. Expérience couronnée de succès.

 Ce petit comprimé d'aspirine rebondira au siècle suivant..    

LE XX° siecle et le nouveau bond en avant des sciences fondamentales et appliquées

Dans les dernières années du siècle précédent, alors que les frères Lumière donnent à Paris la première séance publique de cinématographe, Roëntgen découvre les rayons X (1896), les Curie, le radium (1898), Sjögren et Stenbeck, la radiothérapie pour les tumeurs cutanées. G. Le Bon énonce dès 1897 que tous les corps frappés par la lumière émettent des radiations analogues avec celles de la famille des rayons cathodiques et avec les radiations émises par l'uranium que vient de découvrir Becquerel. Trois ans plus tard, en 1900, Le Bon établit la relation entre la matière et l'énergie due à la dissociation de l'atome. Selon lui, "La science d'hier était fondée sur l'éternité de la matière, celle de demain sera basée sur la désintégration de la matière." Matière et énergie constituent en effet deux aspects différents de la même chose. La dualité entre la matière et l'énergie disparaît. "La matière n'est qu'une forme stable d'énergie et rien d'autre." Le Bon introduit ainsi dans le domaine physicochimique une notion déjà acquise dans le domaine biologique par Lamarck puis par Darwin, avec l'évolution des espèces. Les travaux sur l'équivalence matière-énergie sont repris par Albert Einstein qui, en 1905, établit les bases de la relativité du temps et de l'espace. L'antériorité des travaux de Le Bon est reconnue de nombreux scientifiques, y compris d'Einstein. Mais un chercheur indépendant qui vient remettre en cause les dogmes établis dans les esprits qui s'estiment les seuls autorisés par leurs titres scientifiques, dérange. Aussi, certains milieux scientifiques laissent dans l'ombre les travaux de Le Bon. Seule, la petite histoire retiendra le nom du génial inspirateur, Le Bon. 

Des armes contre l'ennemi public : le microbe

La découverte du microscope, l'oeuvre de Pasteur ouvrent la voie à la lutte contre les agents infectieux.
En 1905, apparaît le premier médicament de synthèse destiné à lutter contre les parasitoses, l'atoxyle (p. aminophénylarséniate de sodium), que A.W. Thomas emploie avec succès dans le traitement des trypanosomiases. Ce médicament est à l'origine des découvertes d'Ehrlich. Constatant que l'atoxyle ne possède d'activité thérapeutique qu'in vivo, Ehrlich pense que ce médicament subit une transformation dans l'organisme. Ainsi naissent les premiers antisyphilitiques de synthèse: salvarsan ou 606 d'Ehrlich (1910), le 606ème produit essayé par Ehrlich, le néosalvarsan. ainsi que le stovarsol synthétisé par Fourneau.

Pendant la guerre de 1914 dans les ambulances militaires, Carrel, Lecomte de Nouy, Dakin, étudiant diverses substances antiseptiques pour le traitement des blessures, mettent au point une préparation contenant de l'hypochlorite de sodium et du permanganate de sodium. On commence à sauver des membres, des vies. Un chirurgien de l'équipe fait afficher sur les murs de son service:
        "Qui que ce soit dont la blessure suppure a le droit de demander des comptes à son chirurgien."

Après les armes chimiques, les armes biologiques :

En 1935, c'est l'avènement des sulfamides. G. Domagk démontre l'efficacité in vivo du prontosil (chlorhydrate de sulfamidochrysoïdine) dans la lutte contre les streptocoques. Mais ce médicament se révèle inactif in vitro. Intriguée par cette constatation, Jacques et Thérèse Tréfouël, Nitti, Bovet prouvent que l'activité du médicament est due à la para-aminophénylsulfamide, composé découvert dans le sang des malades traités. Cette molécule se révèle active contre les streptocoques chez l'animal et in vitro. Cette classe des sulfamides s'avère très efficace dans les maladies infectieuses intestinales et urinaires, les pneumonies à pneumocoques, les septicémies puerpérales, les méningites épidémiques. Les sulfamides sont bactériostatiques (empêchent la division cellulaire) en bloquant la synthèse d'acide folique. Ils n'ont pas d'action tant que persiste suffisamment d'acide folique, d'où leur délai d'action, lors de leur utilisation.

Avec les antibiotiques, la thérapeutique découvre son arme la plus efficace contre les microbes. Entrevus par Pasteur (1877) et son élève Duchesne (1897) qui passa     une thèse intitulée: "Contribution à l'étude de la concurrence vitale chez les micro-organismes. Antagonisme entre les moisissures et les microbes", les antibiotiques sont redécouverts fortuitement en 1928 par Fleming qui par ailleurs découvre aussi fortuitement le lyzozyme. Constatant la disparition de bactéries sur une culture accidentellement contaminée par une moisissure, Fleming isole le Penicillum notatum. En 1940, à partir de celui-ci, Florey et Chain isolent la pénicilline G et mettent en évidence son activité contre les staphylocoques. Pendant la seconde guerre mondiale, de nouvelles souches de Penicillum sont isolées avec de meilleurs rendements permettant d'obtenir des quantités suffisantes de pénicilline pour le traitement des malades. En 1939, Dubos isole la thyrothricine des cultures de Bacillus brevis. En 1944, Waksman constatant la destruction du bacille de la tuberculose lorsqu'il se trouve enfoui dans le sol, recherche et découvre une substance bactéricide, la streptomycine provenant des Streptomyces. Ce principe bactéricide allait se révéler l'un des meilleurs médicaments de la tuberculose. D'autres médicaments seront proposés contre cette affection, la rifampicine, l'acide para-aminosalicylique, l'isoniazide, son dérivé isopropylé, l'iproniazide. Ce dernier médicament empêchant les malades de dormir et les rendant euphoriques conduit à la découverte d'une nouvelle classe thérapeutique, les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO), classe d'antidépresseurs.

Seconde cible : la cellule cancéreuse

La chimiothérapie par les antimitotiques utilise les mêmes principes d'action que les traitements contre les bactéries en agissant sur la réplication de l'ADN, la synthèse d'ARN et la synthèse protéique.

A partir du podophyllum et de la colchique,, connus depuis l'antiquité, sont isolées la podophylline et la colchicine qui étant très toxiques ont laissé la place à des dérivés obtenus par hémisynthèse plus maniables. A partir de la petite pervenche de Madagascar, sont isolés deux alcaloïdes antimitotiques: la vincaleucoblastine et la leucocristine, actifs dans certaines leucémies et dans la maladie de Hodgkin.

Diverses substances naturelles ou de synthèse peuvent déformer l'ADN en s'intercalant et l'empêcher de se répliquer. Un élément indispensable à la synthèse de l'ADN est la thymine. Sa synthèse peut être bloquée par un analogue structural de l'uracile nécessaire à la synthèse de la thymine, le fluoro-5-uracile. Un dérivé d'un autre constituant de l'ADN, le cytosine arabinoside, obtenu à partir d'éponges, est efficace dans certaines leucémies.

Certaines découvertes sont fortuites. Ainsi, pendant la seconde guerre mondiale, un navire américain, le "John E. Harvey", transportant vers l'Extrême Orient une cargaison de moutarde à l'azote fait naufrage. Les rescapés présentant un nombre de leucocytes inférieur à la normale, de tels dérivés sont proposés dans le traitement des leucémies. Avec succès.

Un thérapeutique raisonnée

Dans la découverte de nouveaux principes actifs, le processus est souvent le suivant : -isolement du principe actif à partir d'un produit naturel intéressant en pharmacologie. -reproduction de la structure chimique et modifications ou synthèse d'analogues. -étude des molécules nouvelles sur cultures de cellules, organes, animaux pour en révéler les propriétés (screening). Quand une substance parait assez efficace et peu toxique, les essais cliniques chez l'homme sont envisagés.

Ainsi, en 1941, Link découvre que le principe actif du mélilot moisi est responsable des hémorragies dont est victime un troupeau de vaches. Il s'agit du dicoumarol qui est un anti-métabolite de la vitamine K et qui a donc un intérêt comme anticoagulant. Sur ce modèle, des anti-vitamines K seront synthétisées.

La relation structure-activité constitue un atout dans la recherche de nouveaux médicaments.

Cellule et agents de renseignement

Une conception nouvelle en biologie ! Selon celle-ci, la cellule n'est plus un espace clos isolé, mais  communique avec l'extérieur, échange des informations, reçoit des messages chimiques qui dirigent son programme de vie. La membrane est un lieu d'échanges permanents. Sa structure ressemblant à un tapis brosse formé de protéines, cholestérol, phospholipides, présente une perméabilité sélective grâce à la présence d'antennes, de canaux, les récepteurs. Ces récepteurs, ou serrures, reçoivent des messages, par l'intermédiaire de médiateurs, ou clés, qu'ils reconnaissent de façon très spécifique. Les médiateurs peuvent passer directement d'une cellule à l'autre si elles sont contiguës (médiateurs du système nerveux) ou par le sang si elles sont éloignées l'une de l'autre (hormone)

Dans un deuxième temps, le message est transmis à l'intérieur de la cellule où il est transformé en une réponse le plus souvent spécifique de l'organe et inscrite dans le patrimoine génétique de ses cellules. La spécificité du récepteur pour le médiateur n'est pas absolue. Une substance de structure très proche de celle du médiateur peut interférer et réagir à sa place avec le récepteur. Mais un défaut du médiateur ou du récepteur peut provoquer une communication anormale.
En 1928, Loewi découvre le rôle de l'acétylcholine dans la transmission de l'influx nerveux en inhibant par l'ésérine la dégradation du neuromédiateur par la cholinestérase. L'ésérine, la pilocarpine...constituent le groupe des parasympathomimétiques. En 1945-1950,  Von Euler isole la noradrénaline, neuromédiateur du système sympathique; substance également présente dans la médullosurrénale. Plus tard, Ahlquist met en évidence deux types de récepteurs adrénergiques, les récepteurs alpha et béta. Certains médicaments bloquent les récepteurs bêta comme par exemple le propanolol, l'acébutolol, d'autres, les récepteurs alpha comme la yohimbine, les alcaloïdes de l'ergot de seigle. D'autres médicaments ont des effets comparables au neuromédiateur du système sympathique, ce sont les sympathomimétiques, adrénaline, éphédrine. Enfin, des médicaments diminuent le tonus sympathique périphérique et freinent l'action de la noradrénaline, ce sont les sympatholytiques.
Certaines affections se caractérisent par une déficience en certains médiateurs. Ainsi, lors de la maladie de Parkinson, une déficience en dopamine (issue du métabolisme des hormones surrénaliennes) est observée. Aussi administre-t-on un précurseur, la L_DOPA, qui restaure en dopamine le tissu cérébral.

La douleur du corps

"Seigneur délivre moi de la douleur physique, la douleur morale, je m'en  occupe"

 Guy de Maupassant

L'homme a de tout temps cherché à apaiser la douleur, Sa compréhension a progressé grâce à la découverte des neuropeptides qui sont des neuromodulateurs qui freinent ou favorisent l'action des neurotransmetteurs. Ainsi, les informations sensitives n'arrivent pas toutes au cortex. L'organisme choisit certaines d'entre elles. Les voies de la sensibilité générale et celles de la douleur étant les mêmes, l'influx provenant des stimulations périphériques peut être atténué ou peut déborder les filtres, si bien que le cortex perçoit l'intensité de l'influx, non comme une information sensorielle, mais comme une douleur.

 Lors d'une souffrance cellulaire, l'environnement chimique change. Il y a libération d'histamine, de sérotonine, de prostaglandines qui provoquent une inflammation.La thérapeutique peut intervenir à ce niveau avec les anti-inflammatoires: aspirine, corticoïdes qui agissent en inhibant la formation des prostaglandines

 L'influx remonte vers la moëlle, mais aussi, rencontrant les ramifications de fibres nerveuses innervant de larges territoires, redescend dans le sens inverse du courant sensitif et aboutit aux terminaisons de ces fibres. Chaque terminaison est constituée par une vésicule contenant une substance dénommée substance P., substance de la douleur et de l'angoisse. Au niveau du système nerveux central, il existe un effet antagoniste central entre ce peptide de la douleur et des peptides neuromodulateurs diminuant la douleur, les enképhalines ou endorphines. Lorsque ces substances à action morphinique sont insuffisantes  pour neutraliser la douleur, un état dépressif se manifeste. L'anxiété rend le sujet plus récepteur à la douleur L'état du sujet dépend de l'équilibre entre deux systèmes en opposition: celui de la substance P qui excite l'activité nerveuse et crée la douleur et l'anxiété, et celui des endorphines qui calme l'activité nerveuse et assure le bien-être. Les antidépresseurs sont d'ailleurs prescrits dans le traitement de la douleur.

Le deuxième point d'impact se situe donc au niveau du système nerveux central. Opium et morphine sont utilisés depuis l'antiquité. La mise en évidence des sites récepteurs pour la morphine a conduit à la recherche de substances endogènes affines pour ces récepteurs: des peptides, les enképhalines et les endorphines. La thérapeutique peut donc agir à ce niveau avec la morphine, les substances à action morphinique ou en activant la libération d'enképhalines.

Médiateurs de l'allergie

Quel est le dénominateur commun de l'ortie, du venin de guêpe, de l'aiguillon d'anophèle ? C'est l'histamine, l'un des responsables des manifestations allergiques, telles que le rhume des foins, l'urticaire, l'érythème, l'asthme, les inflammations, le choc anaphylactique. Cette histamine est présente dans tous les tissus de l'organisme, mais sous une forme inactive qui peut être activée par certains stimuli.

Les dérivés de la phénothiazine (prométhazine ou Phénergan) s'opposent aux effets de l'histamine sur les récepteurs H1. La cimétidine et la ranitidine, médicaments de l'ulcère, interviennent sur les récepteurs H2 de l'estomac

Le mal sacré

Dans toutes les civilisations, l'épilepsie a semé l'effroi, bien qu'Hippocrate la démythifie et en fasse une maladie comme les autres. A Rome, une crise d'épilepsie faisait suspendre les Comices, d'où le nom de maladie comiciale donné parfois à l'épilepsie. Les épileptiques célèbres sont nombreux: Saint Paul, César, Caligula, Britannicus, Dostoïevsky, Nobel, Flaubert, Van Gogh...

C'est seulement en 1857 que T. Laycock propose un premier traitement efficace par les bromures. Vient ensuite l'utilisation du Véronal (barbital) et du Gardénal (phénobarbital) qui constitue un réel progrès.

Un médecin allemand,  Hauptmann, de garde dans un service de neurologie où étaient hospitalisés quelques épileptiques dont les crises l'empêchaient de trouver le sommeil, au lieu de prendre lui-même le médicament qui lui avait été conseillé, le fit avaler à ses malades. Les crises de .ceux-ci cessèrent pendant les vingt-quatre heures qui suivirent. Ce médicament hypnotique, le phénobarbital, se révélait être pour Hauptmann, un antiépileptique. Mais il fallut attendre de nombreuses années pour convaincre le corps médical de son efficacité.

Le hasard et la chance frappent une seconde fois. En 1962, P. Eymard, lors d'essais de produits chimiques sur l'animal, constata qu'ils ne pouvaient être dissous qu'avec de l'acide dipropylacétique ou "Valproïque". G. Carraz décèle que l'activité anti-convulsivante des solutions obtenues est due non pas aux produits mais au solvant. Les valproates, le sel de sodium (Dépakine) comme l'amide (Dépamide) sont efficaces dans l'épilepsie sans présenter d'effet hypnotique comme les barbituriques. Ainsi, les deux médicaments de référence de l'épilepsie sont dus à des découvertes fortuites habilement interprétées.

La douleur de l'âme

La pharmacothérapie psychiatrique commence dans les années 1950, avec la découverte des tranquillisants majeurs ou neuroleptiques: la chlorpromazine (Largactil) et la réserpine; des premiers antidépresseurs: l'iproniazide et l'imipramine et du premier tranquillisant mineur: le méprobamate.

                Les neuroleptiques

Certaines manifestations de la schizophrénie semblent être la conséquence d'une hyperactivité de la dopamine dans certaines voies nerveuses cérébrales. les symptômes de la maladie sont aggravés par les effets dopaminomimétiques des amphétamines et supprimés par des médicaments antipsychotiques qui bloquent la neurotransmission dopaminique. Par un mécanisme d'inhibition compétitive, l'halopéridol et la chlorpromazine bloquent les récepteurs dopaminergiques de la base cérébrale. Par ailleurs, la chlorpromazine inhibe la recapture de la noradrénaline et de l'hydroxy-5-tryptamine par le cortex cérébral. Les phénothiazines et les autres neuroleptiques pourraient agir en modifiant le métabolisme des catécholamines dont fait partie la dopamine.

                Les antidépresseurs

Au cours des années 1950, apparaissent les premiers antidépresseurs modernes dont l'iproniazide chef de file des I.M.A.O. (inhibiteurs de la monoamine-oxydase). En effet, dans certains états dépressifs, s'observent des déficiences en amines cérébrales (sérotonine). Les médicaments en bloquant leur dégradation augmentent leur taux.

En remarquant que les propriétés de la chlorpromazine étaient proches de celles d'un antihistaminique, Kuhn demanda aux organiciens de lui synthétiser une molécule ressemblant à un antihistaminique avec une chaîne latérale comme celle de la chlorpromazine, ce fut l'imipramine, le premier antidépresseur tricyclique

Par ailleurs dès 1949, en recherchant les effets de l'acide urique dans l'apparition des symptômes maniaques, J. Cade choisit le sel de lithium pour sa solubilité et s'aperçoit que c'est le lithium qui est efficace. Aussi  préconise-t-il le carbonate de lithium dans les psychoses maniaco-dépressives. Après une expérimentation sur lui-même dans laquelle il ne note pas d'effets secondaires, il propose le lithium pour les malades, mais il faudra attendre 1968 pour vaincre les réticences du  corps médical. Le lithiums sera proposé par la suite dans les dépressions.

                Les anxiolytiques

Dans ce groupe très hétérogène ont été proposées diverses médications: extrait de valériane, de passiflore, bromures, barbituriques, le méprobamate et les benzodiazépines.
La découverte des benzodiazépines est le fruit du hasard et de la persévérance de L. Sternbach qui après des études sur les  matières colorantes à Cracovie se réfugie au moment de la guerre aux Etats-Unis. Le directeur du laboratoire lui demande de conduire des recherches pour remplacer le méprobamate. Il reprend ses recherches sur les colorants. Sans succès, il est sommé de les arrêter par son directeur et se sépare de tous ses échantillons sauf de l'un d'eux, le flacon Ro 50690 qu'il purifie et confie au pharmacologue L. Randall. Coup de théâtre. Le produit se révèle peu toxique et très actif, capable de calmer les animaux les plus irascibles. C'est le chlordiazépoxyde (Librium) synthétisé accidentellement à partir d'une quinazoline, la première benzodiazépine, qui sera suivi du diazépam (Valium).

                Les hypnotiques

Dans la course au sommeil, nombreux ont été les favoris: la phytothérapie avec la valériane, la verveine, le tilleul, la passiflore, le chloral (trichloroéthanol), le sulfonal, le trional (sulfones). Pour imiter la structure de ce dernier, fut synthétisé le Véronal, premier médicament dérivé de l'acide barbiturique. Cet acide, ou malonylurée, fut préparé pour la première fois, en 1864, à Gand, au laboratoire de Kekule, par A. von Baeyer. Ce jour-là était le jour de la Sainte barbe, patronne des artilleurs, von Baeyer apprend sa découverte à quelques amis. L'un d'eux apprenant que cette molécule présentait quelque analogie avec l'acide urique proposa le nom d'acide barbiturique. Devant le succès du premier, le Véronal, le laboratoire synthétisa un second dérivé de l'acide barbiturique. Réunis pour trouver un nom pour ce nouveau médicament, le chef de laboratoire constatant le manque de consensus des participants, prit congé en leur recommandant devant le succès du Veronal, de garder le suffixe "nal". L'un des collaborateurs pensant que c'était une proposition du chef reprit la fin de la phrase: "gardez nal", pourquoi pas Gardénal.

Cette classe thérapeutique provoque une accoutumance. Ils activent leur propre dégradation hépatique. Ceci nécessite d'augmenter les doses pour garder la même efficacité. Cette tolérance acquise porte le nom d'induction enzymatique. Cet effet du phénobarbital se produit également sur des médicaments pris simultanément. Ceux-ci étant plus vite dégradés, perdent de leur activité. D'où de nombreuses incompatibilités. Par exemple avec les antivitamines K, la pilule oestro-progestative.

De nombreux médicaments possèdent une activité inductrice due en particulier à leur solubilité dans les lipides et à une longue durée de vie dans l'organisme. L'induction explique aussi que, pour un apport identique en alcool, les grands buveurs présentent une plus grande résistance vis-à-vis de l'état d'ivresse que les petits buveurs. L'alcool, en effet, accélère sa propre dégradation hépatique. Mais cela ne diminue pas pour autant les risques de cirrhose.

Immunopharmacologie

Le système immunitaire a pour mission le rejet des éléments étrangers à l'organisme. Sont utilisés les immunostimulants (lévamisole) et les immunomodulateurs (ltmphokines, interleukines).

Avec les progrès de la chirurgie, les greffes d'organes peuvent se développer. Mais le rejet des greffes est un risque fréquent contre lequel doivent être utilisés les immunodépresseurs. Le plus efficace, qui a changé le pronostic des greffes est la Cyclosporine.
C'est en 1968 qu'un chercheur parti en Suède à la recherche dans le sol, de nouveaux antibiotiques, rapporte un échantillon de terre contenant un champignon inconnu, le Tolypocladium inflatum dont est extraite une substance, la Ciclosporine. Son effet antibiotique est mineur. Mais c'est un immunosupresseur remarquable. Cette molécule fait échec au rejet de greffes mais aussi est efficace dans le traitement de certaines maladies auto-immunes: polyarthrite rhumatoïde, psoriasis, syndrome néphrotique. Les essais sur l'homme posent des problèmes. Pour vaincre les résistances des sceptiques, le chercheur J.F. Borel fait des tests sur lui-même. Le doute fait place à la jubilation.

Hormonologie

Faisant suite à l'organothérapie connue depuis l'Antiquité, l'hormonothérapie compensatrice des déficiences hormonales apparaît en 1923 avec le traitement du diabète par la première insuline. D'autres hormones vont suivre, comme la cortisone qui transforme le pronostic de l'asthme, de diverses maladies inflammatoires.

Effets bénéfiques de l'imprévu

L'imprévu à l'image du hasard faisant parfois bien les choses, les recherches aboutissent à des découvertes inattendues. Par ailleurs, par l'observation des effets secondaires de certains médicaments, de nouvelles indications thérapeutiques sont proposées. L'aspirine est devenue un anti-agrégant, la chloroquine, un anti-inflammatoire, certains sulfamides, des hypoglycémiants, l'iproniazide, un I.M.A.O., la réserpine, un neuroleptique. Selon le mystérieux cheminement de la recherche et de la découverte, la phénothiazine, colorant connu pour ses propriétés anti-helminthiques a donné des anti-malariques décevants mais par contre a permis l'obtention de dérivés intéressants, l'un neuroleptique, la chlorpromazine, l'autre à activité anti-histaminique et sédative, la prométhazine.

AU SEUIL DU IIIème  MILLENAIRE

Contrairement aux autres sciences, la thérapeutique s'est parfois enrichie d'emprunts à des civilisations techniquement peu avancées, comme cela a été le cas lors de la découverte du Nouveau Monde. Nombreuses sont encore les potentialités que possèdent les thérapeutiques non occidentales et les ressources curatives de la nature. Nombreux sont les principes actifs du monde terrestre et du monde marin qui peuvent par l'intuition et le raisonnement être explorés et transformés par les chimistes.

Une nouvelle stratégie:

Les dernières acquisitions dans le domaine biologique entraînent une nouvelle stratégie thérapeutique.
Le corps humain, synthétisant tout ce qui est nécessaire à son bon fonctionnement, doit être la meilleure source de médicaments sélectifs et efficaces. De tels médicaments interviennent dans le métabolisme cellulaire sans léser le reste de l'organisme. Appartiennent à ce groupe les diverses hormones, enzymes, prostaglandines.

Les substances naturelles de structure peptidique ou protéique, comme certaines hormones (insuline, hormone de croissance,...), facteurs de coagulation (facteur VIII, facteur IX), interférons, interleukine 2 peuvent être produits par génie génétique.

Le développement de formes galéniques retard permet d'éviter des variations importantes du taux sanguin des médicaments et d'espacer les prises.
Des formes galéniques nouvelles pour une libération continue et régulière du principe actif sont apparues. Les "timbres" anti-angine de poitrine munis de trinitrine, les "timbres" à l'estradiol, les "timbres" anti-mal de mer à la scopolamine. Des projets plus audacieux sont envisagés. Des médicaments isolés dans une capsule marquée par des anticorps spécifiques (anticorps monoclonaux) seraient ainsi dirigés vers des organes choisis. Des médicaments cytotoxiques pourraient être ainsi dirigés vers une tumeur où ils seraient concentrés et ne léseraient pas les autres tissus.

Malgré l'évolution brillante des sciences pharmaceutiques, la thérapeutique située à l'interface chimie-biologie ne peut pas répondre à tous les critères des sciences exactes. A côté du médicament si prestigieux soit-il, il faut un "je-ne-sais-quoi" de plus pour obtenir la guérison: les ressources de la nature humaine. Cela incite à beaucoup d'humilité mais n'exclut pas confiance et espoir. Les thérapeutes d'aujourd'hui pourraient garder l'esprit, si ce n'est la lettre, de la constatation empreinte d'une admirable sérénité d'Ambroise Paré qui, parlant de ses malades rétablis, aimait à répéter: "Je le pansay...Dieu le guerist". Leçon de lucidité qui met l'homme à sa juste place: apte à beaucoup comprendre, mais sachant parfois ignorer; au carrefour entre les voies de la connaissance et celles de l'inconnu. 

A suivre...

Rédaction: J.C.D.
Iconographie: J.L.D.
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