LES TEMPS MEDIEVAUX

 

Après l’apogée qu’il connaît sous Trajan et Hadrien, l’Empire romain entre en       décadence au III° siècle, malgré les efforts de Dioclétien et Constantin. Ce dernier, voulant donner à la partie orientale de l’Empire une capitale, choisit la ville de Byzance qui, en 330, prend le nom de Constantinople. Le christianisme, d’abord toléré, devient sous Théodose religion d’Etat. En 476, après la chute de l’Empire romain d’Occident sous la poussée des Barbares, seul celui d’Orient, l’Empire Byzantin se maintient. Constantinople devient un grand centre culturel et le restera pendant mille ans.

 

BYZANCE

 

L’hellénisme se maintient en Orient sous la forme de la civilisation byzantine qui, du V° au XV° siècle, recueillera l’art de guérir du Monde Antique. Byzance le transmettra, avec ses propres connaissances aux Arabes et aux religieux dans les monastères et ainsi à l’Occident.

Au VI° siècle, Alexandre de Tralles, frère de l’architecte de Sainte Sophie, ramène de ses voyages diverses thérapeutiques qu’il consigne dans le De arte medicinae. Il en est ainsi des pilules de Cynoglosse :

 

Ecorce de Cynoglosse            4 drachmes½

Opium                                    2 drachmes

Jusquiame                               4 drachmes

Myrrhe                                   6 drachmes

Mésué complètera cette formule en ajoutant l’encens, le castoreum et le  Safran. Pour lutter contre les douleurs, il préconise l’opium et d’autres anesthésiques.

Il est partisan de régimes alimentaires de crénothérapie et d’héliothérapie.

Au VII° siècle, Paul d’Egine consacre une partie de son Abrégé de Médecine aux médicaments simples et composés.

Beaucoup plus tard, au XIII° siècle, paraît un traité contenant plus de 2500 formules de médicaments composés et leur mode d’administration et comportant en outre des invocations religieuses, c’est l’Antidotarium Nicolaï dont l’auteur, habitant d’Alexandrie, est Nikolaos dit Myrepsos, bouilleur de myrrhe et apothicaire. Ce traité deviendra le guide des apothicaires occidentaux jusqu’au XVII° siècle.

 

 

Nicolas  Myrepsos, de compositione medicamentorum, 

1339, Paris, BNF.

 

Dans cet ouvrage, figure en particulier la préparation de l’Onguent Populeum qui sera utilisé en onctions pour procurer le sommeil, calmer les maux de tête et la fièvre, sur les tempes, le pouls et la plante des pieds.

 

LE MONDE ARABE

 

Au VII° siècle, naît en Méditerranée orientale, en Arabie peuplée surtout de tribus nomades, une nouvelle religion, l’Islam, enseignée par Mahomet, né vers 570 à La Mecque.

Les conquêtes arabes enlèvent au monde occidental une partie de la Méditerranée qui ne sera plus la Mare nostrum latine mais restera cependant un lieu d’interpénétration des civilisations.

Du VII° au XVII° siècle, les Arabes vont transmettre l’héritage médical antique en l’enrichissant d’apports spécifiques. A l'époque des califes abbassides, les oeuvres grecques et latines sont traduites en arabe par des chrétiens comme Jean Mésué l’Ancien, Sérapion l’Ancien. Les œuvres d’Hippocrate, de Galien et de Dioscoride ont été transmises par des moines nestoriens qui après l’hérésie et l’expulsion de Nestorius, patriarche de Constantinople, avaient fondé une école de médecine dans le Khoristan.

 

 

Traité de chirurgie de Charaf ed-Din, 1465, BNF.

 

Damas, Bagdad deviennent des foyers culturels et médicaux importants. Ainsi, les Arabes reprennent les chiffres indiens et inventent le zéro.

Ils tiennent en haute estime l’art de guérir. Mahomet lui-même originaire de la tribu des Koraichites, vendeurs de drogues et de parfums a laissé diverses observations dans un ouvrage intitulé La Médecine du Prophète. Le Coran place dans le paradis une source de  camphre qui fournit aux élus, pour calmer leur soif, une boisson aromatique et rafraîchissante.

« La pharmacie, l’art des  drogues et des boissons, est la plus noble des sciences avec la médecine. » écrit Cohen El Attar au XIII° siècle.

 

 

Pseudo-Galien. Livre de la thériaque

Mésopotamie, 1199, BNF Paris

 

 D’après son Manuel de l’Officine, l’apothicaire « doit être un homme propre et religieux, craignant Dieu d’abord, puis les hommes. Il doit peser ses paroles et surtout ses écrits. » Quant aux prix, il conseille de faire payer le prix juste aux gens aisés, d’avoir des égards pour les autres et de donner les remèdes gratuitement aux pauvres.

Trois grandes écoles voient le jour :

        l’Ecole Iranienne et de Mésopotamie,

Rhazès (al-Razi)(865-925), alchimiste et médecin réputé pour son diagnostic, fondateur de la médecine arabe crée un hôpital à Bagdad. Il écrit de nombreux ouvrages dont le « Liber continens » dans lequel il cite plusieurs produits chimiques.

Selon lui, "Tout ce qu'on trouve dans les livres a beaucoup moins de valeur que l'expérience d'un médecin qui pense et raisonne." et "La médecine n'est facile que pour les imbéciles, les médecins sérieux découvrent toujours des difficultés."

 

 

Razès, Hauy seu Continens , 1280,Paris, BNF

 

Avicenne (Ibn Sînâ) (980-1037), prince des médecins arabes, introduit en thérapeutique des médicaments minéraux originaires de l’Inde (borax, alun, sulfate de fer), et dans l’art galénique, la dorure des pilules, croyant aux vertus thérapeutiques des métaux précieux ou peut-être à la puissance persuasive et séductrice de l’or. Il écrit de nombreux livres, dont le « Canon de la Médecine » qui fait état des connaissances médicales de l’époque et contient plus de 700 remèdes. Cet ouvrage sera encore utilisé au milieu du XVII° siècle en France.

 

 

Avicenne et ses élèves, BNF, Paris.

 

        l’Ecole d’Andalousie est représentée par Abulcasis (al-Zahrâ), auteur d’un « Traité de Chirurgie » inspiré de Paul d’Egine, le « Kitab al-Tassif « , Avenzoar (Ibn Zuhr) (vers 1090-1162), chirurgien réputé, son élève, Averroès, philosophe, médecin, juriste, réputé pour ses commentaires philosophiques d'Aristote.

Arib Al Kurtubi, à la fin du X° siècle rédige un traité d'obstétrique et énonce des préceptes à visée aphrodisiaque dont l'un, le massage des vertèbres pour une stimulation sexuelle masculine. Comme le remarque J.C. Sournia, cette croyance dans ce rôle de la moelle épinière se retrouve dans le hiéroglyphe égyptien féminin représentant une vertèbre et signifiant "principe de vie".

Au XII° siècle, Cordoue est un grand pôle culturel et religieux où se mêlent les religions hébraïque, islamique et chrétienne et où règne une bonne entente entre les différentes communautés. Dans ce milieu, naît en 1135 Ibn Maymun dit Maimonide, d'une famille d'intellectuels et de rabbins. En   1146, l'arrivée au pouvoir des Almohades, fanatiques religieux, détruit cette sérénité. Maimonide doit fuir et terminer ses études en exil. Il devient médecin de cour en Egypte. De religion juive et de culture arabe, sa double appartenance s'exprime dans ses livres, textes religieux en hébreu et écrits médicaux en arabe. Parmi ces derniers, le "Traité des poisons" dans lequel il met en garde contre l'emploi abusif des contre-poisons et un glossaire de matière médicale. Dans son " Traité de la conservation de la santé" il prône l'axiome du juste milieu pour l'équilibre indispensable à la santé

 

        l’Ecole du Caire 

Ibn-El-Baitar (1197-1248) écrit le « Djami El Marfridat, recueil alphabétique des aliments et des médicaments des trois règnes avec les caractères, propriétés, utilisations et doses.

Ibn al-Nafis découvre la petite circulation.

Dès le début du IX° siècle, des hôpitaux sont créés et constituent à la fois un centre de soins gratuits pour les pauvres et le lieu d'enseignement et de transmission du savoir médical. Le premier, semble-t-il, est créé à Bagdad, sous l'impulsion du calife Harûn al-Rashid (786-809). Pour subvenir aux dépenses de l'hôpital, une dotation de biens est attribuée (terres agricoles, boutiques du souk et hammams). Parmi les plus prestigieux, l'hôpital al-Mansuri fondé par Saladin au Caire, l'hôpital al-Kabir al-Nuri et l'hôpital al-Adudi fondé en 979 sur les rives du Tigre à Bagdad. Dans ce dernier exercent 24 praticiens dont certains spécialistes en chirurgie et en ophtalmologie.

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Al-Halabi ; Chirurgie de l'oeil, planche d'instruments, Mossoul, 1275, BNF.

Les deux fondements de la thérapeutique, l'hygiène et la médication s'appuient sur la connaissance approfondie d'une pharmacopée provenant de l'antiquité.

Ainsi, au VIII° siècle, Geber (Gabir ibh Harjyan) se réfère à la théorie des antagonismes, le chaud est l'opposé du froid, le sec de l'humide. Remèdes et maladies s'opposent de même, Contre les maladies du sang, il préconise les substances froides et sèches telles que le vinaigre, les grenades; contre les affections pituitaires, le castoreum, l'Opopanax, l'Asa foetida; contre les affections atrabilaires, l'oignon, la Roquette, le miel; contre les affections biliaires, les courges, le mucilage de Psylium.

La médecine arabe introduit des drogues nouvelles, café, camphre,  noix d'Arec, gomme adragante, gomme arabique, manne, noix muscade, ambre. Grâce aux découvertes du sucre de canne, de l'alcool, du vinaigre, les mdecins créent diverses formes pharmaceutiques: juleps, sirops, conserves avec le sucre; elixirs, oénolés avec l'alcool, oxymels avec le vinaigre.     

Les médecins arabes manifestent un grand intérêt vis-à-vis de la chimie. A la place des procédés de fusion des métaux, ils proposent des techniques de dissolution dans les acides nitrique, sulfurique, chlorhydrique et l'eau régale. Grâce à ces techniques et à celles d'évaporation, de distillation, de sublimation, de cristallisation, de calcination dans des creusets, cornues, alambics qu'ont fait connaître les verriers syriens et égyptiens, les chimistes arabes effectuent diverses combinaisons chimiques: nitrate d'argent, oxyde de mercure,, sulfate de cuivre, alun. D'ailleurs, chimie, alambic, alcali, alcool, alun, benjoin, borax sont des termes dérivant de l'arabe.

Sont utilisées des pierres précieuses, grenat, hyacinthe, topaze, émeraude, saphir, pierre d'aigle ou sesquioxyde de fer hydraté naturel.

La profession de préparateur de médicaments, devenue distincte de celle de médecin, s'organise. Sont créées des pharmacies publiques aussi bien qu'hospitalières. Des réglementations professionnelles mises en place par les Arabes seront reprises en 1220 par Frédéric II dans le royaume de Naples et lors de la création des diverses communautés religieuses.

Au XIII° siècle, le calife Alimanzur crée à Bagdad une officine. Sont utilisées des drogues végétales telles que l'Anis, l'Aunée, le Benjoin, le Bétel, la Bourrache, le Cachou, la Casse, la Coloquinte, la Cannelle, le Fumeterre, la Noix vomique, le Safran, les clous de Girofle, la manne, la Noix Muscade, le Pavot blanc, le Pyrèthre, la Rhubarbe, le Romarin, la Rose, le Santal, le semen-contra, le camphre.

 

Discussion entre trois médecins, Bagdad, 1224.

Le savoir médical arabe sera transmis à l'Occident par les Croisés de retour d'Orient et par les interpénétrations des deux civilisations plus particulièrement  en Andalousie grâce au rôle éminent  de l'école de Cordoue et en Sicile.

Constantin l'Africain, savant arabe terminera sa vie au Mont Cassin et contribuera ainsi à la transmission de l'Art médical à l'Occident. Il est l'auteur de " l'Antidotaire des médicaments simples" et de" Remarques sur les plantes".

LE MOYEN AGE EN OCCIDENT

Période très contrastée durant laquelle, pendant mille ans vont se succéder les phases de régression, de renaissance, d'activité créatrice alors qu'en Eurasie occidentale s'interpénètrent les civilisations latine, arabe et byzantine.

Trois phases vont se succéder:  Du V° au X° siècle, haut Moyen Age, période de troubles dans laquelle apparaît au IX° siècle, la renaissance carolingienne durant laquelle autour de monastères et d'écoles épiscopales où sont conservés, étudiés, copiés les manuscrits anciens, une renaissance culturelle, scientifique et médicale apparaît avec les premiers hôpitaux. La naissance de l'Ecole de Salerne se situe pendant cette période

A partir du XI° siècle, grâce à la circulation des savoirs par les contacts des civilisations lors des pèlerinages et des croisades, c'est le réveil de l'Europe dont la population passe de 40 millions en l'an mille à 70 en 1250. Des échanges commerciaux s'établissent entre l'Orient et l'Occident. Au XIII° et début XIV° siècles, alors que Salerne rentre en décadence, des universités sont créées en Europe, particulièrement en Italie et en France.

Durant la dernière période, de 1350 à 1450, la décadence de la scolastique et des universités qui l'ont enseignée laisse le champ libre aux sciences expérimentales qui commencent à se développer.

L'ECOLE DE SALERNE

Héritière de la tradition médicale arabe, l'école de Salerne, fondée au IX° siècle, est l'école de Médecine la plus réputée du Moyen Age, la "Civitas hippocratica". Pour sa création, diverses hypothèses ont été avancées. Elle serait dûe, soit à charlemagne, soit aux arabes et à Constantin l'Africain, soit aux religieux de l'abbaye du Mont Cassin, proche de Salerne. Selon la légende, quatre médecins, l'Arabe Adela,  le Juif Helinus, le Grec Pontus et le Latin Salernus, auraient contribué à la fondation de cette école, par l'union de leur quatre cultures, la position géographique de Salerne, au coeur de la Méditerranée plaçant la ville au carrefour des échanges culturels et commerciaux. Le grand renouveau culturel bénédictin, avec comme principal centre Montecassino, représenté à Salerne par l'Abbaye de San Benedetto joua également un rôle dans l'évolution des sciences et en particulier en thérapeutique.

La médecine s'enrichit  de connaissances expérimentales acquises  par les médecins religieux dans les monastères et par les médecins laïques. Les premiers indices historiques de l'activité de l'école de Salerne remontent au X° siècle. Mais c'est en 1231 dans les "Constitutions de Frédéric II" publiées à Melfi  que l'école est citée: "Ecole médicale de Salerne, la seule du royaume" et c'est en 1280 que Charles Ier lui donne ses statuts. Médecine et pharmacie sont codifiées. Droguistes et apothicaires en nombre limité doivent prêter serment.

A Salerne, vers 1100, apparaît  l'alcool utilisé sous deux formes: aqua ardens à 60° et aqua vitae à 90°.Ce nouveau solvant devait  être largement utilisé pour les préparations de remèdes et de parfums. Nombreux seront les vocables pour le désigner: âme du vin, eau flagrante, permanente ou éternelle, esprit subtil, lumière des mercures, prime essence, quintessence.

La médecine salernitaine est basée sur la théorie humorale hippocrato-galénique. La maladie étant un déséquilibre des quatre humeurs, il est nécessaire de rétablir l'équilibre humoral en diminuant   ou en augmentant les sécrétions en tenant compte de l'âge, de la saison et de la partie du corps concernée.

Niccolo Salernitano (ou Préposito), directeur de l'Ecole vers 1150 est probablement l'auteur du Qui pro quo et de l'Antidotarium, première des pharmacopées de type moderne avec composition et propriétés des préparations destinées à des desseins pratiques. Ainsi, dans le "spongia soporifera", sont citées les substances narcotiques à respirer à des fins anesthésiques: opium, mandragore, cigüe, mûre, laitue, lierre. Lorsqu'il était nécessaire de redonner des forces au patient, du jus de de fenouil est placé dans les narines. Un certain nombre de substances appartient à la médecine arabe. Cet ouvrage sera le Codex des apothicaires sous le règne de saint Louis.

Mathaeus Platearius (ou Matteo Plateario) rédige le Liber de simplici medicina  connu également sous le nom de Circa instans dont le titre est extrait des premiers mots du prologue: "Circa instans negocium in simplicibus medicinis nostrum versatur propositum". Cet ouvrage commence par une description de près de 500 plantes avec leur origine géographique. Les connaissances reprennent essentiellement celles  du De Materia Medica de Dioscorides.

Une Salernitaise, Trotula ou Trocta, obstétricienne du milieu du XI° siècle, écrit un célèbre traité de gynécologie et d'obstétrique:   concernant tous les aspects de  la féminité, y compris les préoccupations psychologiques et esthétiques:  De mulierum passionibus  ante et post partum.

La miniature ci-dessous figure la césarienne de l''histoire de César. Ce dernier naquit ainsi, selon une tradition qui s'est avérée fausse.

Paul Orose, Histoire du monde, vers 1460, BNF.

Constantin l'Africain, après une vie d'étude et de voyages qui l'avait amené en Perse, en Arabie, en Espagne, vient à Montecassino. Il traduit de nombreux textes et favorise leur diffusion qui va développer l'intérêt pour la doctrine aristotélicienne dont ils sont porteurs, contribuant ainsi à la naissance de la philosophie scholastique.

Un chirurgien du XII° siècle, Ruggero da Frugardo écrit un traité de chirurgie intitulé Rogerina dans lequel il envisage aussi bien des traitements externes que des opérations, le mot chirurgie désignant à l'époque médiévale "toute chose guérie par la main. En 1250, Rolando da Parma fait paraître une nouvelle édition de la Cyrurgia de Ruggero.

Gilles de Corbeil (1140-1224°, élève de l'Ecole de Salerne, médecin de Philippe Auguste, écrit de nombreux traités: "Sur les urines", "Sur le pouls", "Des médicaments composés".

Mais l'Ecole de Salerne acquiert surtout la notoriété par la publication,  en 1066, du Régime de santé de Salerne, recueil de règles d'hygiène pour un mode de vie proche de la nature et une dédramatisation de la maladie. Certains préceptes comme ceux-ci sont restés célèbres:

"Si tu venais à manquer de médecins en voici trois excellents: la gaieté, la tranquillité et des repas modérés.";" De la Sauge, un homme peut-il mourir alors que la sauge fleurit dans son jardin?" 

Regimen Sanitatis. Exemplaire enluminé, 1486, Paris, BNF

  MEDECINE  CONVENTUELLE

En Occident, dès la chute de l’Empire romain d’Occident et de la décadence qui s'ensuit, le christianisme s'intéresse  à la santé morale mais aussi à la santé physique de la population. A l’époque mérovingienne (481-751), à proximité de l’évêché, apparaît la maison des pauvres. Plus tard, sous l’époque carolingienne (751-987), chanoines et moines se substituent à l’évêque. Dans chaque monastère, le frère aumônier est chargé de l’accueil des pauvres et des pèlerins qui sont hébergés dans un local proche de la porte de la maison, « l’hospitalia » (au sens étymologique du terme, «la chambre pour les hôtes »). La présence, parmi les assistés, d’infirmes et de malades inspire chez les moines qui les accueillent dans des infirmeries ou des hôpitaux, des préoccupations d’ordre médical. Les religieux, en fondant les premiers hôpitaux, en soignant les pauvres par charité ont suivi les paroles du Christ dont Saint Mathieu s’est fait l’écho :

« Guérissez les malades, ressuscitez  les morts, purifiez les lépreux. »

Sous l’impulsion de certains dirigeants de communauté, les monastères servent de lieu d’asile à l’art de guérir que les moines exerceront du V° au XII° siècles en concurrence avec les laïcs avant de se voir interdire l’exercice de la médecine par les supérieurs des couvents. Au V° siècle, Saint Patrick en Irlande, au VI° siècle, Saint Colomban à Luxeuil  vers 590 et à Bobbio, près de Pavie, en 612, fondent des couvents.

Cassiodore, savant bénédictin qui rédige en 544  les « Institutiones divinarum et humanorum » dans lesquelles il recommande aux moines : « Apprenez   les propriétés des simples et des remèdes composés… » est le premier à inciter les moines à soigner leurs prochains. Ces couvents atteindront leur apogée sous le règne de Charlemagne.

Dans le monastère, des moines, médecins et infirmiers s'occupent de l'infirmerie; les apothicaires, de la réserve des drogues.

Quelquefois, le monastère, possédant des reliques miraculeuses, attire les malades. Parmi les plus célèbres, Saint-Martin de Tours, Sainte-Radegonde près de Rodez, Conques. Certains moines médecins sont restés célèbres: Hugues, abbé de Saint-Denis

Devant l’essor démographique, les brassages de populations, pèlerinages, croisades,  épidémies, les hôpitaux créés par l’Episcopat ainsi que par les Ordres Hospitaliers se multiplient pour l’accueil et le soin des malades. Les moyens sont modestes mais la Charité et la foi font le reste.

 

Côme et Damien

 

Au III° siècle, en Asie Mineure, Côme et Damien, deux frères animés par la charité, après leurs études à Pergame, exercent la médecine sans rétribution et guérissent de nombreux malades. Ils subissent le martyre sous Dioclétien, vers l'an 287. Après leur mort, surviennent de nombreux miracles. Dès lors, ils deviennent les patrons des médecins et des apothicaires.  Les attributs des deux saints sont le plus souvent l'urinal pour Saint Côme, le patron des médecins et le pot à onguent pour Saint Damien, le patron des apothicaires. Parmi les guérisons attribuées aux deux saints, la plus spectaculaire est la greffe d'une jambe d'un sujet de race noire récemment décédé sur un malade de race blanche.

L'une des représentations de ce miracle peinte par Fra Angelico entre 1438 et 1440 se trouve au couvent Saint Marc à Florence. La scène de la prédelle du Retable de San Marco est interprétée, selon les exégètes, soit comme la guérison du diacre  Justinien, soit comme un rêve que celui-ci aurait fait. La scène peinte par Fra Angelico représente un décor "minimaliste". Le malade allongé sur le lit, le tabouret, la paire de sandales qui indique la confiance dans le succès de l'opération sont d'une grande sobriété. Dans ce décor réaliste et profane, apparaissent en pleine lumière les bonnets et les auréoles de Côme et Damien au moment où ils greffent la jambe mise en relief par la couleur noire. Le battant de la porte ouverte invite à une suite...

 

 

La guérison du diacre Justinien

 

Selon la théorie humorale héritée de l’Antiquité, l’urine est le reflet de l’équilibre ou du déséquilibre des quatre humeurs de l’organisme. Aussi pour émettre un diagnostic, le médecin mire les urines du patient dans un vase dénommé « matula ». C’est l’uroscopie.

La « matula » est l’emblème de Saint Côme, le patron des médecins, alors que le pot à onguent est celui de Saint Damien, le patron des pharmaciens.

 

Le traitement du malade est à la fois spirituel et matériel. Après confession et communion, celui-ci, son âme purifiée, son corps lavé, peut  recevoir les soins. L’alimentation en fait partie intégrante. Elle suit chaque semaine un calendrier avec des « jeûnes » qui ne signifient pas suppression de la nourriture mais variation de l’alimentation.   De telles  règles jointes à la  confiance en Dieu amélioraient l’état des malades les moins atteints. Dans les cas les plus sérieux, remèdes et opérations chirurgicales sont nécessaires. Les remèdes sont fournis par la nature.

Les lits abritent plusieurs malades, comme le montre l'illustration ci-dessous dans laquelle, le Pape Innocent III, en 1204 montre au Duc de Bourgogne, l'Hospital de Rome..

 

Histoire de l'Hôpital du Saint-Esprit de Dijon, manuscrit du XVIII° siècle, BNF;

 

Le médecin utilise en priorité, sauf dans les états graves, des médicaments doux, agréables au goût dont il absorbe une petite quantité devant le malade, afin de le mettre en confiance.

La pharmacopée médiévale comprend six classes de remèdes correspondant à des états pathologiques précis : les plantes contre les fièvres, les plantes des femmes, les plantes vulnéraires, les purges, les plantes des maux de ventre, les plantes antivenimeuses.

D’après une croyance, rencontrée par ailleurs dans les civilisations orientales, l’aspect de la plante permet de connaître, ses propriétés thérapeutiques, c’est « la théorie des signatures ». 

Selon celle-ci, Dieu a prévu dans la nature des plantes qui présentent des analogies (forme, couleur, habitat) avec la maladie ou l’organe à traiter.

Le Millepertuis dont les feuilles présentent une  multitude de petits trous ressemblant à des yeux sert pour les affections oculaires. Les tubercules du Colchique rappellent les doigts des goutteux. Le principe actif, la colchicine, est spécifique de l'accès de  goutte. Le Saule et la Reine des Près, poussant dans des lieux humides sont bons pour les rhumatismes. Ces deux plantes contiennent des salicylates. Coïncidence heureuse, un dérivé de ceux-ci est l’aspirine, son nom provient de Spiraea ulmaria ( Reine des Prés). La Chélidoine, sécrétant un latex jaune-orangé, est indiquée dans les maladies du foie. La feuille de Pulmonaire, dont la forme rappelle  celle du poumon  est adoucissante et pectorale. D’autres drogues, dont la signature ne tiendra pas ses promesses, passeront dans l’oubli.

 

Le jardin médiéval, associant le beau et le bon, s’ordonne selon les principes de la représentation symbolique du paradis. Au centre du jardin, la source d’eau vive, la fontaine, ou à défaut l’arbre de vie, espace circulaire. Le cercle, symbole géométrique de la sphère figure l’immensité et l’éternité, attributs de Dieu. Cet espace circulaire est entouré de quatre carrés, le terrestre, les quatre éléments, les quatre saisons, espaces liés à la vie végétale du jardin.. Les quatre allées ou quatre fleuves d’Eden qui prennent leur source à la fontaine se dirigent en direction des quatre points  cardinaux et symbolisent les bras de la croix.

Les ensembles monastiques peuvent être imaginés d’après les archives du monastère de Saint-Gall, abbaye suisse reconstruite en l’an 820 qui a, comme celle de Reichenau, subi l’influence de la règle irlandaise de Saint Colomban. Sur le plan apparaissent « la domus medicorum » l'infirmerie située au soleil levant, »l’hortulus » (potager), le plus célèbre étant celui de Walafrid Strabus, moine à Reichenau, le « pomarius »(verger) « l’herbularius » (jardin des simples) où seize à vingt plantes médicinales sont cultivées si on se réfère au plan de Saint-Gall : sauge, rue, iris,  pouliot, sisymbrium, cumin, livêche, fenouil, haricot, sarriette, menthe, romarin, balsamite menthe-coq, fenugrec ; lys et rose pour fleurir les autels. , « l’armarium pigmentorum » , sorte de réserve gérée par un moine apothicaire et non l’armoire à pigments. Par la suite, « l’armarium pigmentorium » signifiera l’armoire aux pigments ou drogues exotiques ou poisons et  sera comme le jardin médicinal sous la responsabilité d’un moine. Dans la » Scriptoria » (de la racine indo-européenne « sker » = gratter) , bibliothèque sont rangés les arbolaires  (traités de botanique), les antidotaria (pharmacopées).

 

Scriptoria provient de la racine  indo-européenne: SKER  = gratter, inciser, comme les termes suivants: écrire, scribere, scriptus, scribe, script, script-girl, télescripteur, écrivain, scarifier, score.

 

Les produits sont achetés chez des épiciers ou apothicaires. Ainsi l’Hôtel-Dieu de Paris, au XV° siècle, s’approvisionne chez dix huit fournisseurs dont la majorité est installée sur le Petit Pont ou aux alentours. Chaque année, les apothicaires donnent aux hôpitaux quelques fournitures : sucre, poivre, safran...

Les interdictions des différents conciles: Clermont (1130), Latran (1135), Montpellier (1195) n'empêchent pas le clergé d'exercer la pharmacie comme la médecine.

Selon P. Rambaud, cette interdiction était due au fait que « Les moines –médecins , habitués à sortir à leur gré des monastères, finissent peu à peu par en négliger les règles. Ils sont sans cesse au contact avec l’élément séculier dont ils prennent les goûts et les habitudes.

L'EVEIL DE L'OCCIDENT

En 1095, le pape Urbain II lance un appel aux chrétiens pour les décider à reprendre les Lieux Saints aux Turcs. Jérusalem est prise par les Croisés le 15 juillet 1099 et reprise par les Turcs en 1187. Les croisades suivantes pour reprendre Jérusalem échouent sur les plans politique et religieux. Elles favorisent cependant les contacts entre les différentes civilisations dans les domaines commerciaux, culturel, scientifique et médical. Apparaissent en Occident au retour  des Croisés, le sucre que la médecine arabe a fait connaître, le Chanvre (Cannabis sativa). Du temps des croisades, la consommation de chanvre ou hachisch par les troupes en lutte contre les Croisés, les rendait fanatiques. Aussi ces soldats étaient surnommés "hachichins", terme dont dérive le mot assassin.

Le commerce des drogues:

Pour celui-ci, après les croisades, Byzance cède la place à Naples, Florence et surtout Venise, la Cité de Marco Polo (1254-1324), située au carrefour des voies de l'orient et de l'occident.. Les négociants établissent dans la ville les "fondachi" (fondok: magasin en arabe) halles où s'entassent Cannelle, Gingembre, Santal, Safran, myrrhe, camphre, indigo, poivre, encens. Le Safran entre dans la composition de la thériaque, préparation considérée souveraine contre la peste. En France, dans ce commerce des épices, Marseille et Montpellier jouent ce rôle. Contournant l'Espagne, des navires apportent les épices dans les ports de la mer du Nord. Plus tard, la découverte de l'Amérique et celle de la route maritime des Indes déplaceront le centre de gravité du commerce mondial vers le Portugal, l'Espagne, la Hollande...

Au cours du XII° siècle, le, à la suite de l'interdiction d'exercer la médecine, certains moines quittent leurs couvents et s'établissent médecins, marchands et préparateurs de médicaments. C'est la laïcisation progressive  de la médecine et de la pharmacie.
Les premières boutiques apparaissent en France et en Italie. (Confer: Patrimoine pharmaceutique - Officines privées). Les médecins viennent y donner consultation.
A Paris, vers l'an 1200, plusieurs officines sont regroupées dans le quartier du Petit Pont. En Avignon, les boutiques se trouvent logées dans la même rue, la carriera Pelrarie vel Speciare, les pelrarie étant les marchands de poivre, les speciarii, les marchands d'épices.

La boutique de l'apothicaire, signalée par une enseigne, est largement ouverte sur la rue. L'apothicaire, la balance à la  main, conscient de sa responsabilité, prépare le remède. Les drogues sont exposées aux regards dans divers pots et boites peintes, comme l'indique la miniature suivante. Sur celle-ci, on peut voir, de l'autre côté de la rue, le médecin, au chevet du malade, mirant les urines. . 

    

Barthélemy l'Anglais, Des Propriétés des Choses, Manuscrit XV°siècle, BNF

Les speciarii, encore dénommés apothecarii ou aromatorii se regroupent dans les premières corporations qui adoptent des réglementations officielles ou statuts municipaux. Les premiers seront établis à Arles au XII° siècle. D'autres suivront, Avignon, Marseille, Nice, Toulouse (1309). A Paris, l'exercice de la pharmacie est réglementé par des édits royaux. Les apothicaires contrôlent le recrutement de leurs confrères et leur apprennent le métier pendant de  longues années (deux à huit ans pour l'apprentissage, un à six pour le compagnonnage). Le serment couronne la fin des études.

La création des Universités

Parallèlement à l'ouverture des ports européens au commerce des drogues, des universités se créent en Occident. De Bagdad où les califes ont créé une Université, des professeurs essaiment dans le monde méditerranéen et transforment les hospices religieux en hôpitaux-écoles. Vers 1200, Bagdad est ruinée par l'invasion des Mongols. Les professeurs et les élèves en exil facilitent la création des premières universités en Occident:  Bologne (1088), Salerne (1140), Padoue (1222), Paris (1220), Montpellier ((1272) où enseignera le chirurgien le plus célèbre du XIV° siècle, Guy de Chauliac, médecin des papes d'Avignon, Clément VI, Innocent VI et Urbain V. Ses ouvrages feront autorité pendant deux cents ans. Sa "Chirurgica magna" étudie tous les aspects de l'art médical, avec la matière médicale riche de 750 médicaments.  L'université de Toulouse est créée en 1224 par le pouvoir royal pour extirper l'hérésie cathare.

"Chirurgia Magna" de  Guy de Chauliac, XV° siècle, BNF.

A l'origine composées exclusivement de clercs, les facultés de médecine s'ouvrent aux laïcs à condition qu'ils soient célibataires jusqu'en 1452, date à laquelle le cardinal d'Estouteville abolit l'obligation du célibat. L'enseignement essentiellement oral consiste à commenter  Hippocrate, Galien, Avicenne, Averroès, Dioscoride sans remettre en question le contenu scientifique de leurs oeuvres mais en développant les qualités de logique et de dialectique dans l'argumentation. De rares dissections sont faites par des barbiers  sous l'autorité d'anatomistes, les premières dissections ayant lieu à Bologne, Padoue, Montpellier.

Barthélemy l'Anglais, Des propriétés des Choses, scène de dissection,manuscrit du XV° siècle, BNF.

Le savoir médical du temps qui englobe les mathématiques, la cosmologie, l'astrologie, les sciences naturelles, l'alchimie a des origines religieuses, scientifiques et populaires.
Le savoir populaire allie pensée magique, recours aux saints guérisseurs, réincarnations des dieux païens et connaissances empiriques essentiellement botaniques transmises de génération en génération. Le courant scientifique (héritier du monde antique)  représenté par l'école de Chartres dont le fondateur, l'évêque Fulbert (960-1026), fut le disciple de Gerbert, le pape de l'an mil sous le nom de Sylvestre II, qui a introduit en Europe les chiffres arabes et l'astrolabe s'oppose au courant mystique selon lequel seules les idées immuables et  éternelles sont importantes et à la pensée rationnelle d'Aristote.. Pour intégrer ces concepts, l'Eglise favorise, au XII° siècle, l'essor des universités avec un moule théologique, la Scolastique qui tente un équilibre entre raison, révélation et expérience.
Au XIII° siècle, des doctrines nouvelles apparaissent. Albert le Grand (1193-1280), voyageur infatigable, curieux de tout, en particulier de physique et de chimie, vulgarisateur d'Aristote expose sa doctrine lors de harangues aux Parisiens sur la place qui porte actuellement son nom, la place Maubert (Maître Albert).  Provincial des Dominicains, il aura pour élève, Thomas d'Aquin, alchimiste, théologien, philosophe. Les reliques de Saint Thomas reposent sous le maître-autel de l'église des Jacobins de Toulouse, église de la maison mère des Dominicains. Albert le Grand fait connaître divers composés chimiques: potasse caustique, acétates de plomb et de cuivre.

Dans les mêmes années, Raymond Lulle étudie la rectification de l'esprit de vin. Arnaud de Villeneuve, à la suite de l'école de Salerne, introduit dans la médecine l'Eau-de-Vie (1260) qu'il dénomme Eau de l'Immortalité dont il fait une véritable panacée.
L'Eau-de-Vie devient un remède vendu exclusivement par les apothicaires contre les maux les plus divers: douleurs, plaies infectées, morsures. Douée dit-on du pouvoir de rajeunissement, elle prend le nom d'aqua vitae. 

Les grandes épidémies

Les malheurs du temps sont dominés par les endémies et les grandes épidémies. En relation avec les mouvements de population dus aux croisades, pèlerinages, au développement du commerce mais aussi avec les mauvaises conditions de vie, la famine, la mauvaise nourriture, en particulier le pain, fait avec la farine de seigle ergoté, apparaissent des épidémies d'ergotisme. Ce mal encore appelé "feu de Saint Antoine","Mal des Ardents"se caractérisait par des douleurs intenses, des convulsions, des gangrènes entraînant des mutilations dont étaient responsables les alcaloïdes vasoconstricteurs de l'ergot de seigle. Durant les XI° et XII° siècles, plusieurs guérisons miraculeuses ayant eu lieu à l'abbaye Saint Antoine de Vienne, un afflux de  malades s'y produisit. L'ordre des Antonins fut créé pour soigner les malades. La dévotion des malades à Saint Antoine peut s'expliquer par l'analogie de leurs souffrances avec celles du Saint lors de son supplice.

Très fréquente, la lèpre suscitait la terreur de la population et l'exclusion définitive du malade en l'enfermant après une cérémonie religieuse dans une maladrerie à l'écart des habitations (il existait deux milles maladreries au début du XIII° siècle en France). Par la suite, au XIV° siècle, la lèpre commencera à régresser.   

La peste surgit régulièrement au cours des siècles. Celles de Cyprien et Justinien qui dévastèrent l'empire romain avaient déjà laissé des traces  dans les mémoires. Deux formes coexistent, la forme bubonique ou ganglionnaire et la forme pulmonaire beaucoup plus rapidement     mortelle. Quelques heures  après, la mort survenait. Selon Jacques de Voragine, dans la Légende Dorée, si quelqu'un éternuait, souvent il rendait l'âme. Aussi à la personne qui éternuait, on criait aussitôt: "Dieu vous bénisse!", d'où l'expression consacrée. A Rome, en l'an 590, le pape Pélage II mourait de l'épidémie. Son successeur, Grégoire  dirigea une procession au cours de laquelle, sur le môle d'Hadrien, l'ange exterminateur apparut remettant au fourreau  son épée. L'épidémie cessa. Le môle d'Hadrien devint le château Saint-Ange.

Entre 1346 et 1353, la peste venue d'Asie Mineure se propage en Europe où elle fait plus de vingt-cinq millions de morts. Devant le fléau, seule, la prophylaxie compte. Se tenir chez soi, calfeutré. Boire du vin. Utiliser du vinaigre. Manger ail, oseille, oignon, myrrhe, Safran ainsi que la thériaque. Faire brûler encens, camphre, plantes aromatiques. La population  désemparée cherche des causes surnaturelles à son mal, se réfugie auprès des saints protecteurs. Saint Sébastien, Saint Antoine, Saint Roch. Les personnes les plus courageuses et dévouées approchent les pestiférés, munies de masques en forme de tête de canard dont le bec est rempli d'herbes aromatiques et parfums. Les moins courageuses utilisent la "pilule aux trois adverbes" proposée par un médecin toulousain, Augier Ferrier: "s'enfuir vite, aller loin, revenir tard". Ainsi, pendant l'épidémie de peste de 1522, le lieutenant général du Dauphiné préfère quitter Grenoble. Celui-ci se dénomme Pierre du Terrail, seigneur de Bayard qui portera tout de même le surnom de "Chevalier sans peur et sans  reproche". Les médecins, conscients de leur impuissance tentent de prévenir et rédigent des conseils. 

La peste noire à Tournai en 1349. Bibl. Royale de Bruxelles, cl. Goldner

Rédaction: J.C.D
Iconographie:J.L.D
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