LE LEGS DE L'ANTIQUITE
THERAPEUTIQUE PRIMITIVE, DE L’ INSTINCT A LA MAGIE
La maladie et les « essais thérapeutiques" remontent à l’apparition de l’homme sur la terre. La thérapeutique primitive (terme qui n’a nullement un sens péjoratif) a été la seule pendant des millénaires, avant qu’elle ne soit supplantée par celles de l’Orient et de l’Occident, sans toutefois être éliminée complètement. En effet certains de ses caractères spécifiques se retrouvent de nos jours dans des populations vivant en Afrique, Amérique du Sud, Océanie, ainsi que dans notre médecine populaire.
Très vite, l’homme primitif découvre l’utilité ou la nocivité de ce qui l’entoure et acquiert la connaissance de certaines pratiques. La maladie est un corps étranger qui doit être extirpé par différentes pratiques d’expulsion du mal, de purification (succions, purgations, vomissements, bains, massages…).
Ces méthodes sont de nos jours employées parfois avec succès (premiers soins lors d’une piqûre d’abeille). Il est fait également appel à la puissance de suggestion, pouvoir exploité de nos jours par les guérisseurs. Transposant ses acquis, ses constatations empiriques de l’environnement humain à la nature, l’homme primitif distingue des animaux et des végétaux bons ou malfaisants. Ce qui est malfaisant cause maladie et douleur. Découvrant l’intérêt de certains végétaux, il cultive des plantes telles que Valériane, Camomille, Achillée, Pavot. La découverte du feu permet la préparation de décoctions plus concentrées en principes actifs. Il soigne ses blessures par application de capsules surrénales riches en adrénaline à effet vasoconstricteur. Il réalise certaines opérations chirurgicales : extraction de corps étrangers, trépanations comme l’atteste la paléontologie.
L’observation de la nature donne naissance à la première science, l’Astronomie. La thérapeutique, d’instinctive, devient magique, en relation avec les phénomènes naturels. Pour expliquer l’origine des épidémies, la guérison, l’homme a recours à la croyance en des forces surnaturelles astrologiques ou divines.
L’instinct et la magie qui caractérisent cette thérapeutique sont ancrés au plus profond de l’âme humaine, si bien que le raisonnement ne peut les extirper.
Avec l’invention de l’écriture, vers 4200 avant J.C., l’histoire succède à la préhistoire pour les peuples qui l’utilisent et les connaissances peuvent être conservées et transmises. Mais tous les peuples n’entrent pas en même temps dans l’histoire. C’est seulement dans des endroits privilégiés, le long de grands fleuves qui assurent une économie prospère, que se créent des foyers humains : l’Empire égyptien sur le Nil, les cités-états entre le Tigre et l’Euphrate, le long de l’Indus en Inde, plus tard en Chine dans les vallées du Fleuve Jaune et du Fleuve Bleu.
ANTIQUITE ET MAGIE
ASIE
La thérapeutique est étroitement mêlée à la magie, à la religion, à la philosophie, à une certaine conception du monde empreinte d’immobilisme et de méditation.
INDE
La « Science de la longévité », l’Ayurveda est transmise par les traités de médecine, les « Samhita, ou Corpus de Bhela, Caraka et Suçruta. L’Ayurveda, dicté par Brahma dans les années 1300 avant J.C., révèle les avancées de la science indienne :. Comme en Chine, sont connus, circulation du sang, transmission du paludisme par les moustiques, celle de la peste par les rats. Plus tard, au V° siècle après J.C., à l’époque de Sucruta, les connaissances concernant la variole, le diabète, la tuberculose ainsi que des règles d’hygiène et de diététique se développent.
Selon le traité de Suçruta : « Le médecin, le patient, le remède et l’infirmier sont les quatre piliers de la médecine sur lesquels repose la guérison. Si trois de ces piliers sont ce qu’ils doivent être, avec l’aide du premier, le médecin, la guérison sera complète. »
La phytothérapie représente une place importante, avec le Gingembre, l’Ail, le benjoin obtenu par incision du tronc de Styrax tonkinensis, l’Aconit, le Poivre, le Chanvre, le Tamarin (laxatif), le Ricin (purgatif et désinfectant cutané contre la lèpre). Dans le «Tshakara Samita attribué à Tshakara (1° et 2° siècles avant J.C.) figure le Rauwolfia serpentina. Cette racine est utilisée à titre préventif et curatif contre les piqûres d’insectes, les morsures de serpent et sert aussi à trouver l’apaisement. Un alcaloïde isolé à partir de cette plante, la réserpine sera utilisé au XX° siècle pour son activité hypotensive et comme neuroleptique.
Manuscrit médical sanskrit, Paris, BNF
Cependant la magie rentre pour une large part. La maladie est censée être la rançon du péché. Aussi les dieux sont invoqués dans les diverses maladies. C’est le cas du Dieu du feu dans les affections fébriles, celui de la tempête dans les douleurs. Dans l’Atharvaveda, des incantations sont adressées aux dieux pour guérir la fièvre intermittente :
« O Takman, Dieu du feu, sois compatissant et épargne nous. Je rends grâce à Takman, le froid, et à l’autre, le chaud, le brûlant qui nous trouble l’esprit. Grâces soient rendues à Takman qui revient le lendemain, puis deux jours d’affilée et qui se reproduit le troisième jour. »
Par la suite, la science indienne sera adoptée au Tibet, en Asie centrale, en Indonésie, en Indochine dans certaines contrées du Japon et de Chine. Elle aura une influence comparable à celle de la science grecque.
CHINE
En Chine, pour le souverain légendaire Fu Hsi (Phye-Hi)
(2852-2737), « A l’origine du monde, du « Grand Extrême »,
sorte de chaos, se dégagèrent deux principes opposés : le duong ou Yang,
principe mâle, chaud, actif et le âm ou Yin, principe femelle, froid, faible.
De l’équilibre de ces deux principes découle l’ordre universel du monde.
De leur antagonisme et de leurs réactions à travers les êtres et les choses dérivent
les mouvements, les générations…
Cet équilibre entre ces deux principes est matérialisé par le dessin central
de la table « Fu Shi »(Phuc Hi). Chacun des deux espaces, l’un
sombre, l’autre clair, contient un petit cercle clair ou sombre suivant le
cas. Cela rappelle qu’il n’y a pas de Yang sans Yin et inversement.
Huit trigrammes entourent ce dessin central. Ils correspondent aux huit bases de la philosophie chinoise, aux huit régles de diagnostic, aux huit fondements de l’acupuncture.
A partir des deux principes, se développent cinq éléments : l’eau, le feu, la terre, le bois, le métal. Ces éléments qui servent à la constitution des êtres entraînent la formation du ciel (pur) et de la terre (impur). Ces deux forces réunies en engendrent une troisième, l’Homme.
Chacun des cinq éléments tient sous sa dépendance un point d’orientation, l’une des cinq planètes, l’un des cinq grands viscères dépendant du principe mâle, l’un des cinq organes régis par le principe femelle, l’un des cinq pouls différents, l’une des cinq humeurs.
La tradition attribue à un autre souverain légendaire, Shen Noung (Chen-Noung), qui régna dans les années 2700, le Grand Herbier ou Pents’ao dans lequel il traite de la guérison des maladies par les minéraux, les animaux et surtout les plantes.
Avec l’empereur Huang Ti (Houang Ti) (2600 ans) commence la première dynastie chinoise, celle des Hsia (Hia). Selon la tradition, sous son règne, sont découvertes la boussole, la roue, l’utilisation du bronze et l’écriture chinoise. Il rédige le Noi-Kinh, traité de base de l’acupuncture dans lequel, méfiant à l’égard des remèdes, il écrit :
« Mon désir est qu’on ne donne plus de remèdes poisons et qu’on ne se serve plus des antiques poinçons de pierre. Je désire qu’on utilise seulement les mystérieuses aiguilles de métal avec lesquelles on dirige l’énergie. »
Au III° siècle avant J.C., la dynastie des Qin est fondée par l’empereur Sh’in Shih Huang-ti (Chen Houang) qui unifie la Chine du point de vue politique, militaire, social et intellectuel. Il fait édifier la Grande Muraille. Pour vaincre l’opposition des intellectuels, il fait brûler la plupart des livres, mais protège de la destruction les livres traitant de médecine.
Au cours de la dynastie suivante, celle des Han, l’acupuncture se développe, est enseignée et sanctionnée par les examens. L’acupuncteur peut subir un contrôle de ses connaissances. Si le malade ne guérit pas ou décède, la famille a recours au tribunal. Soigner les malades comportant un certain risque, la coutume s’établit de soigner les bien-portants. Cela est possible avec la découverte de la pulsologie.
L’examen du pouls, qui reflète le flux de l’élément vital formé du Yang et du Yin permet d’établir un diagnostic et donc de prescrire le traitement. Le pouls est pris en 11 points différents et 200 espèces de pouls sont répertoriées.
En effet, lors de l’atteinte d’un organe, le pouls est perturbé avant que la maladie ne se déclare. Les Chinois prennent l’habitude de se rendre régulièrement chez le médecin qui doit prévenir l’apparition de la maladie. Cela a pour conséquence le payement des honoraires par les sujets bien portants.
L’acupuncture intervient sur le flux d’énergie vitale qui circule à travers le corps par le système des « canaux principaux et collatéraux ». A certains points le long de ces canaux, on peut placer les aiguilles d’acupuncture ou bien brûler des « moxas » (feuilles d’armoise désséchées mises à brûler sur un point déterminé) pour corriger les déséquilibres du flux d’énergie et concentrer les pouvoirs d’auto-guérison du corps dans les points nécessaires.
Pour codifier la médecine et la thérapeutique, les médecins chinois s’inspirent des principes fondamentaux de la cosmogonie chinoise et des cinq éléments qui en découlent.
La matière qui compose les êtres vivants est du genre « yin » qui traduit l’aspect fuyant de la nature. Les fonctions vitales des êtres vivants sont régies par les cinq centres du corps :
- « le cœur » ou « l’esprit », centre du commandement où se manifestent conscience et intelligence,
- - « les poumons » ou « le système respiratoire »
- - « le foie », terme qui inclut les membres et le tronc, le mécanisme de réaction émotionnelle à l’environnement ainsi que l’action des organes,
- - « la rate » qui équilibre la distribution des aliments nutritifs et leur métabolisme. Elle apporte force et vigueur.
- - « les reins » système qui règle l’emmagasinage de la nourriture et l’utilisation de l’énergie. La force vitale de l’homme dépend de ce système.
Les changements de saison et variations du temps influent sur le corps humain. Ceux dont les effets sont les plus visibles sont : le vent, le froid, la chaleur, l’humidité, la sécheresse et la chaleur interne.
Les changements excessifs ou extraordinaires dans le temps (émotions) nuisent au corps et sont appelés les six causes externes de maladies.
Si les changements d’humeur chez l’homme entre joie, colère, souci, cogitation, chagrin, peur et surprise sont trop extrêmes, ils nuisent à la santé.
Les six causes externes de maladie, en interaction avec les sept émotions, constituent le fondement théorique de la pathologie.
Ce fondement théorique (6 causes, 7 émotions) associé aux cinq centres du corps (coeur, poumons…)sont employés pour analyser la constitution du patient et sa maladie, et pour diagnostiquer la cause exacte du déséquilibre physique ou psychologique et le corriger.
L’objet de la médecine chinoise est la personne, et pas seulement la maladie.
La maladie n’est qu’une manifestation d’un déséquilibre chez le malade.
Les médecins chinois ont testé les plantes pour leurs propriétés : provoquer le froid, la chaleur, la tiédeur et la fraîcheur. Les effets médicaux des plantes ont été testés sur les diverses parties du corps humain. Les médicaments sont classés en fonction des sympathies ou antipathies.
Par exemple, la Menthe est de nature froide et est employée pour soulager les maladies causées par les facteurs de chaleur.
La pharmacopée chinoise est très riche . Dans le Pen ts’ao complété au XVI° siècle de notre ère par Li Shih Chen, sont répertoriées de nombreuses substances végétales : Safran, Haricot, Datura, Rhubarbe, ergot de seigle, Gingembre, Poivre, Cannelle, Grenadier, camphre, Ginseng…
Les recettes de longévité sont très nombreuses. Le Panax-Ginseng qui doit son nom à la forme de ses racines qui évoquent deux jambes humaines possède des qualités toniques. Son utilisation permet donc la conservation de la santé.
Pents-ts’ao p’in-hui ching yao 1505
Bibliotheca Nazionale Centrale Vitttorio Emanuele II, Roma.
Certaines de ces drogues présentent de nos jours un intérêt incontestable : Rauwolfia, Ephédra, Chaulmoogra…
La thérapeutique empirique chinoise fait également appel à des médicaments choisis en fonction de la comparaison entre ceux-ci et l’organe à traiter. C’est la théorie des signatures ou des similitudes. Le safran de couleur jaune est utilisé dans les ictères, le haricot qui a une forme de rein est préconisé dans les maladies rénales. Les plantes portant des fleurs rouges sont souvent employées comme emménagogues ou comme hémostatiques (fleurs de Grenadier ou d’Hibiscus, Rosa Cinensis). Les produits d’origine animale ou humaine peuvent soigner les organes correspondants des patients.
Les pharmacies chinoises, le plus souvent, se présentent comme un musée miniature d’histoire naturelle avec une multitude de pots et de tiroirs réservés à des centaines de produits animaux, végétaux et minéraux.
Officines traditionnelle et occidentale
De nos jours, cette médecine traditionnelle coexiste avec une médecine d’inspiration occidentale qui comporte cependant quelques variantes...
Consultations à la chaîne
Dentiste dans une rue de Pékin.
BASSIN MEDITERRANEEN
LA MESOPOTAMIE
Dès la première moitié du III° millénaire, à Babylone coexistent une médecine empirique et une médecine magique. Celle-ci repose sur une conception particulière de la maladie qui est considérée comme le châtiment consécutif du péché. La recherche de la nature de l’offense et l’expiation doivent entraîner la guérison. Les Babyloniens désignent leurs maladies par des noms de démons ou de dieux : Ishtar, Shamash, Ea…
Vue actuelle de Babylone
Le thérapeute, après avoir tenté d’identifier la nature du mal, soigne le malade avec des préparations médicamenteuses appropriées et consulte les oracles par examen des entrailles d’animaux sacrifiés. Médecine et exorcisme sont étroitement liés.
Prières et incantations sont nécessaires pour réconcilier le malade avec les dieux et éloigner les démons.
Le siècle de Hammurabi apparaît à Babylone comme l’équivalent de celui de Périclès à Athènes. A Nippur, comme à Cos, en Grèce, se développe une école médicale qui se réclame du patronnage de la déesse Gula. C’est dans cette cité qu’ont été trouvées les plus anciennes tablettes sumériennes, l’une remontant à 2100 ans avant notre ère. Sur celle-ci, sont gravées les thérapeutiques de l’époque : myrte, myrrhe, asa foetida, thym, saule…
Le saule, riche en acide salicylique, permettait d’abaisser la fièvre, 4000 ans avant l’utilisation de son dérivé : l’aspirine.
Tablette de Nippur
Avec l’écriture, la connaissance des drogues progresse et se transmet.
Les médecins, les « Asû » se servent de remèdes, les « bultu » (qui rend la vie), provenant essentiellement des plantes, les « shammû », terme qui en akkadien désigne également remèdes. La pharmacopée sumérienne est riche de 250 plantes ou produits végétaux dont la jusquiame, la ciguë, la rue, l’hellébore noir, le laurier rose, la myrrhe, le styrax, la thérébenthine…
Dans les vallées du tigre et de l’euphrate, sont utilisés également une centaine de minéraux dont l’alun, le soufre, le sel, le salpêtre, l’argile. Vin et bière servent à la préparation des médicaments. Les formes médicamenteuses comprennent des onguents, des emplâtres, des lavements, des fumigations, des électuaires…
Dans ce monde mésopotamien, l’image de l’au-delà était très sombre et le voyage qui y conduisait était sans retour. Dans une telle perspective, il était souhaitable de conserver la santé le plus longtemps possible grâce à la médecine telle qu’elle était conçue.
Un poème de l’épopée de Gilgamesh souligne cette conception et laisse sans illusion sur la vie future :
« La vie éternelle que tu souhaites ardemment, jamais tu ne pourras l’atteindre. Parce que, quand les dieux créèrent l’homme, ils lui insufflèrent la mort et se réservèrent la vie. Gilgamesh, emplis ton ventre, réjouis-toi jour et nuit, que les jours soient faits de totale allégresse, que tes jours et tes nuits ne soient que chants et danses. Revêts des habits frais, lave-toi et baigne-toi. Contemple l’enfant qui te prend la main, embrasse ta femme et étreins-la ; car cela seul est à la portée des hommes. »
L’épopée de Gilgamesh, inscrite sur des tablettes en terre cuite, découvertes vers 1840 sur les sites de Ninive et de Nimroud, près de Mossoul, parmi les archives du roi assyrien Assurbanipal n’est pas l’œuvre d’un auteur déterminé mais représente une tradition populaire, produit de plusieurs siècles.
Dans ce récit babylonien, certains épisodes sont à remarquer, en particulier, l’histoire du déluge, la création d’Adam par Dieu, en se servant de la terre à potier, la création d’Eve avec une côte prélevée sur Adam.
Le nom d’Eve appelée en hébreu « Hawwah » qui signifie « la vie » trouve son origine dans le nom de la déesse Ninti, l’une des huit déesses régénératrices, dont la dénomination veut-dire « la dame de la côte » ou « la dame de la vie », le mot sumérien « ti » voulant dire à la fois « vie » et « côte ».
L’EGYPTE
Dans les années 3000 avant J.C., l’Egypte est unifiée et va connaître plusieurs millénaires de prospérité et une civilisation brillante dans laquelle l’art et la religion occupent une grande place.
En Egypte, c’est dans son cœur que « Ptah », dieu du commencement a créé le monde. Le cœur est le symbole de la vie par excellence aussi bien sur la terre que dans l’au-delà. Le nom symbolique du cœur « Ab » manifeste la partie de l’être qui témoigne de l’âme « Bâ » et des actions bonnes ou mauvaises dans la vie.
C’est sur les bords du Nil que l’homme apprend à nier la mort. Les Dieux ne sont plus les seuls à être immortels. La construction des pyramides où les défunts sont entourés du même environnement que de leur vivant en sont le témoignage. Il va s’en suivre les pratiques funéraires. Par la momification, le défunt s’identifie à Osiris, le premier des ressuscités devenu souverain du royaume des morts. Les Egyptiens avaient ainsi créé l’intemporel.
Maladie et mort faisaient partie de la condition humaine, la maladie n’étant pas le châtiment du péché, comme c’était le cas en Mésopotamie. C’est seulement le jour du jugement que les justes seront récompensés et les injustes punis. C’est la pesée des âmes.
La pesée des âmes
Le livre des morts déposé contre sa momie lui donne des instructions pour triompher des obstacles et lui enseigner les prières à réciter au moment où son cœur est pesé. Si la balance reste équilibrée, le mort est admis au bonheur éternel. L’homme juste mérite seul l’éternité.
La maladie occupe une place non négligeable. Les dieux n’échappent pas à la maladie. Aussi ont-ils inventé la médecine pour leur propre usage. Ra, le Dieu Soleil ne fût-il pas guéri d’un mal de tête par la déesse Isis au moyen d’un remède contenant des capsules de pavot…
La maladie est considérée comme la possession du corps par un dieu, un mort, un ennemi. Aussi le médecin possède-t-il un pouvoir magique et accompagne-t-il l’administration de drogues, d’incantations.
Mais dans ce pays profondément religieux, où Akhénaton au XIV° siècle avant l’ère chrétienne a tenté de faire du pharaon un homme vénérant un seul dieu, Aton, le soleil,.l’art médical, de magique va devenir religieux. Le médecin sera le plus souvent un prêtre tenant son art des dieux. La médecine, à l’image de la religion est entourée de rites magiques.
Ainsi, dans le cas de brûlures, les incantations permettent de détourner l’attention du malade de sa souffrance.
La guérison du coryza, selon le papyrus d’Ebers demande, en même temps que l’administration de drogues, la formulation d’une incantation :
« Ecoule-toi, coryza, fils de coryza, toi qui brises les os, qui fracasse le crâne, qui taraude le cerveau. J’ai apporté un remède, qu’il te chasse, qu’il t’expulse. »
Papyrus d'Ebers
Les Egyptiens accordent une valeur prépondérante à l’écrit. Les livres médicaux avaient été donnés aux hommes par Thot, dieu de la sagesse. Parmi d’autres attributions, il était considéré comme : « le savant, le maître des livres, le maître des paroles divines, des textes sacrés, Celui qui a donné aux hommes la parole et l’écriture ». Thot était le patron des scribes. Médecin et magicien des dieux, il avait guéri Horus d’une piqûre de scorpion. Plus tard, les Grecs l’assimilèrent à leur dieu, Hermès et donnèrent le nom de livres hermétiques aux livres de Thot.
Les formules thérapeutiques transmises par les papyrus sont, selon la tradition, la copie de livres secrets d’origine divine conservés dans des temples.
Ainsi, le papyrus de Brugsch présente en exergue la phrase suivante :
« Commencement du livre de guérir les maladies, trouvé en écriture ancienne dans un coffre, aux pieds d’Anubis, à Litopolis, au temps du roi Onsaphaïs ».
L’Art médical se réclame d’une figure mi-divine, mi-humaine, celle d’Imhotep, Dieu de la médecine dont le nom signifie : « celui qui vient en paix « . Architecte de la pyramide à degrés de Saqqarah, alchimiste, astrologue, médecin, il fut divinisé après sa mort.
Imhotep
Le caractère sacré de la médecine conférait aux prescriptions les plus anciennes, les plus proches de la révélation divine, la plus grande efficacité.
Selon Diodore de Sicile :« Les médecins établissent le traitement des malades d’après des préceptes écrits, rédigés et transmis par un grand nombre d’anciens médecins célèbres. Si, en suivant les préceptes du livre sacré, ils ne parviennent pas à sauver le malade, ils sont déclarés innocents et exempts de tout reproche ; s’ils agissent contrairement aux préceptes écrits, ils peuvent être accusés et condamnés à mort ».
La thérapeutique faisait une place importante aux pratiques d’incubation. Au cours de celle-ci, le malade dormait pendant la nuit dans le parvis d’un temple. Récitation de formules ésotériques et administration de drogues favorisaient les rêves qu’au réveil le prêtre interprétait en vue de choisir convenablement les sacrifices et les dons qui procureraient la guérison.
Instruments de chirurgie
Les médecins, dont le nom était représenté par un symbole hiéroglyphique comportant un bistouri et un mortier, soignaient leurs malades par des drogues qu’ils préparaient dans une chambre réservée des temples, l’Asit. Ces drogues utilisées sous forme de décoctions, potions, fumigations, collyres sont consignées dans des papyrus médicaux et les « ostraca » médicaux (éclats de calcaire ou fragments de poteries sur lesquels étaient gravées des inscriptions).
L’un des papyrus les plus intéressants en thérapeutique est un papyrus datant de 1600-1500 avant J.C., le papyrus d’Ebers découvert par Ebers dans les ruines de Louxor. Il comporte les connaissances de l’époque en anatomie, physiologie, pathologie.
Environ 700 drogues d’origine végétale, animale et minérale sont citées dans différentes formes pharmaceutiques/
Des végétaux tels que la racine de Grenadier (anthelminthique) ; le Genévrier, la térébenthine et la Scille (diurétiques) ; le Chanvre indien, la Jusquiame, la Mandragore, le Pavot (sédatifs, antispasmodiques) ; le suc extrait des graines de Pavot (administré aux enfants pour les empêcher de pleurer) ; la Colchique (contre la goutte) ; la Camomille, la Menthe, la Coriandre, l’Anis, le Cumin, le Fenugrec, le Thym, le Safran (digestifs et carminatifs) ; l'Absinthe, la Noix de Muscade (stimulants), les amandes, le Labdanum (émollients) ; les figues et les dattes (affections hépatiques) ; les fruits de Sycomore (Ficus Aegyptiae), la Coloquinte, le Ricin, l’Aloès, le Séné, le Tamarin, les figues (laxatifs, classe de remèdes très utilisée). Le Lotus bleu, Nymphaea coerulea dont les fleurs s’ouvrent le matin et se referment le soir, attaché au culte d’Osiris provoque un état d’extase (dû à la présence d’alcaloïdes à effets narcotiques.
Des substances minérales telles que le carbonate de calcium (antiacide), le sel, les sels de cuivre (antiseptiques, astringents), la magnésie (laxatif). Le natron, mélange de carbonate et bicarbonate de sodium contenant du sulfate et du chlorure de sodium comme impuretés, recueilli à la surface des lacs, est un détergent alcalin qui sert pour la fabrication des savons. Il sert aussi à purifier la bouche avant le culte divin (« détergent de l’âme ») et à la momification des cadavres. Il est le monopole du Pharaon.
Un autre papyrus qui fait référence dans le domaine chirurgical est celui découvert en 1860 à Thèbes par Smith.
Papyrus de Smith
L’Egyptienne, pour entretenir sa beauté, fait appel aux substances minérales. Elle prend des bains de bicarbonate de sodium. Le maquillage des yeux important pour les femmes mais aussi pour les hommes utilise des substances minérales. L’œil est allongé par un trait noir de sulfure de plomb argentifère et est entouré d’un large cercle vert d’hydrosilicate de cuivre. C’est là, le secret du regard de Néfertiti et de Cléopâtre.
Des substances animales telles que le miel, la cire, le lait (émollients et sédatifs) sont utilisées.
Le miel sert d’adoucissant et d’antiseptique. Sur les plaies, il absorbe l’eau et arrête l’infection. En effet cette dernière propriété est due à l’hypertonicité du miel et à la présence de glucose-oxydase qui en présence de glucose donne de l’eau oxygénée.
Le foie de bœuf est utilisé pour les maladies oculaires (héméralopie ou cécité nocturne).
Les moisissures (assimilables aux antibiotiques) sont prescrites.
Les formes médicamenteuses sont nombreuses ; la préparation comporte le principe actif incorporé à un excipient : matière grasse, eau, lait, vin, bière, additionné d’un produit destiné à rendre agréable le remède, souvent un édulcorant : miel, figues.
Les drogues sont conservées dans des réserves, les « maisons de vie » dans lesquelles les médecins apprennent leur art. Le responsable du stockage de ces drogues est le « gardien de la myrrhe de la maison de vie « , la myrrhe étant le symbole des remèdes.
La myrrhe provient d’un petit arbre d’Ethiopie et de Somalie, le Commiphora abyssinica. De cet arbre s’écoule, par incision, un suc jaune qui se transforme en larmes rougeâtres de saveur amère (en arabe : mourr=amer) la myrrhe.
L’intérêt des égyptiens pour la médecine la pharmacie et la chimie est attesté par de nombreux vocables d’origine égyptienne qui, par l’intermédiaire du grec sont parvenus jusqu’à nous. Ainsi, l’ammoniaque est le « sel d’Ammon ».
LA PERSE
Venant de Russie et d’Asie au début du deuxième millénaire avant J.C., les Mèdes et les Perses s’installent au bord du plateau iranien, sur la rive orientale du Golfe Persique. Au VI° siècle avant J.C., sous les règnes de Cyrus et de Darius, l’Empire Perse, qui a pour capitale Persépolis, s’étend de l’Inde à la Méditerranée et est un carrefour de routes et de civilisations.
Sont importés certains remèdes de Mésopotamie, Egypte, Grèce. D’Inde provient le Ctronnier dont les fruits sont utilisés contre les poisons.
Chanvre, Rhubarbe, camphre, Asa foetida, gomme adragante, opoponax, galbanum, huiles de Ricin et de Sésame sont utilisées.
La thérapeutique iranienne, selon « l’Avesta », le livre sacré iranien attribué à « Ahuna-Mazda », le resplendissant comporte formules conjuratoires, remèdes empiriques et chirurgie. Ce livre aurait été donné au prophète Zoroastre ou Zarathoustra, qui, au VII° siècle avant J.C., est selon la légende, le fondateur de la religion iranienne.
Les Perses croient aux vertus curatives des eaux détenant un principe unique, liqueur d’immortalité, « l’haôma blanc » tiré d’un arbre mystérieux, « le Gaokerena ».
Autour de cet arbre, les plantes qui guérissent sont aussi nombreuses que les maladies (99999). Le terme, Paradis ne provient-il pas de « Pardès », jardin en persan.
LES PAYS DE LA BIBLE
Pour les Hébreux, la maladie est indissociable du péché et de la punition. Certaines maladies entraînent l’isolement et l’exclusion des malades. Selon maints épisodes de la Bible, Jésus ira à contre-courant de cette conception.
La prière est associée à l’administration des drogues. Moïse ayant acquis ses connaissances auprès des prêtres égyptiens, les hébreux utilisent les mêmes remèdes : Aloès, Pavot, Ricin, Absinthe, Hysope, Menthe, Genièvre, Ail, Laurier, myrrhe, encens, foie de poisson, carbonate de sodium, sels de cuivre. Nombreuses sont les drogues servant également d’aromates et d’offrandes religieuses.
Dans le Cantique des Cantiques sont mentionnées les drogues les plus précieuses : Safran, Cinnamome (Cannelle), Aloès, myrrhe, encens…
Le baume de Judée, au parfum suave (d’où l’expression embaumer), est utilisé pour ses propriétés cicatrisantes et adoucissantes.
LA GRECE
Héritière des civilisations qui l’ont précédé au Moyen-Orient, la Grèce connaît pour son art de guérir trois phases successives :
La Protohistoire :
Au cours de celle-ci, l’Art de guérir primitif, mythique est exercé par des magiciens.
Asklépios, qui serait le fils d’Apollon, naquit, selon la légende, à Epidaure vers 1260 avant J.C.Il eut entre autres enfants, deux filles, l’une, Panacée, déesse qui guérit toutes les maladies, et l’autre, Hygié, déesse de la Santé. Il fut dit-on l’élève du centaure Chiron qui resssuscitait les morts et qui, pour cette raison, fut foudroyé par Jupiter.
Asklépéion d'Epidaure
Certaines découvertes thérapeutiques sont attribuées aux héros et aux dieux. A Chiron, la Centaurée, à Péon, médecin des dieux, la Pivoine, à Hercule, l’Héraclion. ou Hyosciamus albus. Atteint de troubles nerveux, Hercule utilisait les effets sédatifs de cette plante et ceux de l’hydrothérapie.
Les Asclépiades
A partir du VIII° siècle avant J.C. , l’art de guérir, de magique, devient religieux. Il est exercé par les desservants d’Asklépios. Les sanctuaires médicaux, les Asklépéions les plus connus sont ceux d’Epidaure, de Magnésie (les plus anciens), de Cos, de Cnide, de Rhodes, de Pergame, de Tarente…
L’emplacement de ces temples était choisi dans un lieu bénéficiant d’un climat clément, à proximité d’une source. Des aménagements concouraient à rendre le séjour du patient agréable : bains, gymnase, théâtre.
Les Asclépiades, prêtres médecins, qui tiennent leurs connaissances par tradition familiale et par initiation ésotérique célèbrent des cérémonies divinatoires. Le malade venu consulter à l’Asklepeion est soumis dès son arrivée à un jeûne, à un repos pendant une nuit dans un local appelé « abaton ». S’ensuivent prières, ablutions, sacrifices qui doivent entraîner le sommeil avec des rêves (incubation) interprétés le lendemain par des prêtres. Au diagnostic, font suite prières, incantations et administration de drogues.
Les plantes magiques sont inséparables de « L’Odyssée » et de la belle Hélène qui a les paroles qui bercent, les gestes qui apaisent. Elle verse dans la coupe de vin de son époux « une substance qui dissipe la tristesse, calme la colère et fait oublier tous les maux. ». Ce philtre, le Népenthès, plante médicinale ou plutôt un mélange de drogues : opium, Chanvre, Datura, Ellèbore ?
Et Homère d’ajouter : « La fille de Zeus avait reçu de Polydamna l’Egyptienne, épouse de Thôs, ces remèdes préparés avec art . Car la fertile Egypte produit un grand nombre de substances salutaires ou funestes, et l’on trouve dans ce pays beaucoup d’excellents médecins. »
Dès cette période, vers 850 avant J.C. apparaît le médecin.
Le Siècle d’Or
Le V° siècle avant J.C., le siècle d’or, celui de Périclès. C’est le siècle où s’épanouissent les arts et les sciences : la tragédie et la comédie avec Eschyle, Sophocle, Euripide, Aristophane ; l’histoire avec Hérodote, Thucydide ; la sculpture avec Phidias ; la philosophie et la rhétorique avec Socrate, Platon, Xénophon, Aristote.
Mais philosopher en ces temps-là comportait certains risques. Socrate, accusé de corrompre la jeunesse fut condamné à boire la ciguë. Ses disciples connurent la disgrâce. Xénophon fut condamné à l’exil. Platon, qui dans les Dialogues fit connaître la pensée de Socrate, fut vendu au marché aux esclaves avant d’être racheté par ses admirateurs mais ne se désintéressa pas de la chose publique et fonda l’Académie. Son élève, Aristote, fréquenta l'Académie, fonda à Athènes le Lycée Péripatétique où philosophes et disciples discutaient en se promenant. A la mort d’Alexandre le Grand dont il fût pendant 20 ans le précepteur, Aristote dût s’enfuir d’Athènes.
Mettant à profit l’expérience empirique acquise auprès des malades, les Asclépiades délaissent magie et religion. La médecine se laïcise. Apparaissent des médecins qui exercent soit à leur compte, soit pour celui de la cité. Pour subvenir aux dépenses médicales et à l’entretien du médecin, à Athènes, un impôt, l’ »iatricon » est levé. Aussi le médecin public soigne gratuitement ses malades à domicile ou dans un local, l’ »iatreion » (du grec iatrein=soigner) où se faisaient consultation et, si nécessaire, hospitalisation.
Les médecins restent groupés par affinités de famille ou de cité. Ainsi naissent diverses écoles médicales se réclamant d’Asklépios dont les plus connues sont à Rhodes, Cnide, Cos.
La démystification du mal :
Avec Hippocrate le Grand, la malédiction devient maladie. Né à Cos vers 460 avant J.C., mort vers 377, Hippocrate pose les bases de l’éthique médicale et établit, sur l’observation et le raisonnement, les premiers principes de la médecine clinique. Selon lui, « chaque maladie a une cause naturelle ». La maladie n’est plus une fatalité, mais un phénomène naturel et la nature « natura medicatrix » le « médecin des maux » doit rétablir l’équilibre donc la santé. La médecine fait ainsi un grand pas.
Hippocrate
Enluminure byzantine du XIV° siècle
La théorie des humeurs :
La doctrine humorale d’Hippocrate reprend la théorie des quatre éléments d’Empédocle : le feu qui fascina si bien Empédocle qu’il se précipita dans le cratère de l’Etna, l’air, la terre, l’eau. Quatre qualités caractérisent les éléments. Ainsi :
le feu est chaud et sec
la terre, froide et séche
l’air, chaud et humide
l’eau, froide et humide
Le mélange des quatre éléments se retrouve dans le corps humain.
L’harmonie de l’univers et la santé du corps sont liées à l’équilibre des quatre éléments et à celui de leurs qualités.
Le déséquilibre entraîne désordre dans le monde et maladies dans la nature humaine. Les maladies sont expliquées par des similitudes avec le monde visible.
Aux tétrades des éléments et des qualités correspondent celle des humeurs, sang, lymphe ou phlegme, bile, atrabile ou bile verte, selon le schéma suivant.
La correspondance avec les tempéraments ne verra le jour que bien plus tard. Selon celle-ci, dans l’équilibre des quatre humeurs, la prédominance de l’une ou l’autre conditionne le tempérament qui peut être sanguin, phlegmatique, cholérique, mélancolique (du grec, mélanos = noir).
Sanguin
Phlegmatique Cholérique Mélancholique
Les tempéraments
Bibliothèque Centrale Zurich
La santé résulte de l’équilibre des quatre humeurs.
Le cycle des humeurs est soumis au cycle quaternaire de l’univers. Au printemps, il est régit par le sang, l’été par la bile, l’automne par l’atrabile, l’hiver par la lymphe ou la pituite.
De l’univers au corps s’effectuent de perpétuels échanges.
La thérapeutique d’Hippocrate est résumée par la formule :
« Contraria contrariis curantur »
Selon celle-ci, les remèdes convenant le mieux à une affection sont ceux dont l’action est opposée à la persistance de la maladie, remèdes chauds ou froids, secs ou humides selon le cas. Ainsi, une maladie accompagnée de fièvre doit être traitée par une drogue rafraîchissante.
Des traitements tels que les saignées, l’administration des diurétiques, purgatifs, laxatifs, émétiques, sudorifiques doivent permettre de rétablir l’équilibre en favorisant l'évacuation du mal. Au nombre des diurétiques figurent Ail, Oignon, Poireau, Concombre, Fenouil.
Selon Hippocrate, « la nature est le premier médecin des maux ». Aussi, les traitements ne doivent pas être trop violents.
Le tempérament du patient joue un rôle important dans la maladie et la guérison. La maladie évolue, se transforme (metastasis). Les différentes parties du corps sont solidaires dans l’évolution."Quel que soit le siège primitif du mal, elles se le communiquent." Aussi, dans un but curatif, le médecin peut faire apparaître dans une région déterminée une réaction qui déplace l’affection. C’est le principe de la révulsion. Au nombre des révulsifs figurent les cataplasmes à base de moutarde, d’ammoniaque, les vésicants qui agissent sur la peau, les sudorifiques, les diurétiques, les purgatifs, les vomitifs.
La Matière Médicale, le « Corpus Hippocraticum » comprend plus de 230 drogues : des narcotiques (Mandragore, Jusquiame, Belladone, opium), des purgatifs (Euphorbe, Coloquinte, Bryone, Scammonée, Mercuriale), des vomitifs (Hellébore blanc, Asarum), des fébrifuges (Absinthe, Petite Centaurée)…
Certaines drogues ont des vertus magiques telle la Camomille. Selon la tradition, cette plante dénommée "Parthenion" utilisée dans les fièvres intermittentes permit de guérir un ouvrier blessé lors de la construction des Propylées.
Parmi les ouvrages qui sont attribués à Hippocrate, l'un des plus connus est le livre des Aphorismes dans lequel il énonce des certitudes diagnostiques et pronostiques immuables. Le premier nuance passablement ces certitudes.
"La vie est brève, l'art est long, l'occasion fugace, l'expérience trompeuse, le jugement difficile."
La médecine grecque s'intéresse aux ressources du monde végétal. Ainsi Dioclès natif de Coryste en Eubée est l'auteur du manuel de l'herboriste, le Rhizotomicon.
A la période hippocratique fait suite celle d'Aristote (384-322 avant J.C.). Disciple de Platon, Aristote introduit la science en médecine, replace l'homme dans un contexte profane et non déiste, l'intègre dans l'univers. Il s'intéresse à l'anatomie, à la physiologie. Il reconnait le rôle du rein comme filtre, celui du foie dans la digestion. Il compose des traités de botanique médicale. Son disciple, Théophraste, natif de l'île de Lesbos, est l'auteur d'un ouvrage qui sera traduit en 1483 sous le titre De historia plantarum. Dans celui-ci, il cite la Cannelle, le Séné, le Dictame, la Cardamone, la Réglisse, la Ciguë, l'Aconit, la Mandragore, la Fougère mâle.
La Mandragore
ALEXANDRIE
Alexandre le grand, roi de macédoine, après avoir assuré la domination
macédonienne sur les cités grecques, part à la conquête de l'Orient. Son empire s'étendra du Nil au Caucase. Ses conquêtes facilitent la rencontre de la civilisation grecque avec celles de l'Egypte, de l'Iran et de l'Inde. Il fonde la ville d'Alexandrie, symbole de son épopée héroïque et intellectuelle. Le phare du port (du nom de Pharos, île près d'Alexandrie, où il est situé) compte parmi les sept merveilles du monde avec les jardins suspendus de Smiramis et les murs de Babylone, le mausole d'Halicarnasse, les pyramides d'Egypte, le temple d'Artémis à Ephèse, la statue de Zeus olympien et le colosse de Rhodes. .
A la mort d'Alexandre en 323, l'Egypte passe aux mains des Ptolémées, et ce, jusqu'à l'annexion du pays par Rome en 30 avant J.C., mais la langue officielle reste le grec. L'école d'Alexandrie, fondée par Euclide sous le règne de Ptolémée 1er Sôter, général d'Alexandre, attire philosophes, poètes, artistes, scientifiques, médecins. La science hellénistique est à son apogée. L'école d'Alexandrie subsistera pendant près d'un millénaire, jusqu'à la prise de la ville par les Arabes, vers 640, et jouera un rôle considérable dans le progrès et la transmission des connaissances dont la médecine. L'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie, le Muséion (nom dont dérive le mot musée) qui présente une exceptionnelle richesse en manuscrits (500 000 rouleaux de papyrus) en détruit la plus grande partie. Cependant divers papyrus de ces temps là et antérieurs ont été retrouvés dans les temples. L'étude de ceux-ci montre que coexistent deux médecines, l'une "traditionnelle", sclérosée, héritée des Egyptiens, reproduisant des anciens textes, en déclin et l'autre, grecque, en plein essor, inventant des expériences nouvelles figurant dans des papyrus du IV° siècle avant J.C. au VII° siècle après J.C.
Le développement du commerce des épices avec l'Extrême Orient fait de grands progrès grâce aux expéditions d'Alexandre. Sont ramenés et utilisés en pharmacie, safran, cannelle, cumin, gingembre, coriandre, cardamone.
Les connaissances médicales apportées par les Grecs évoluent. Les plus célèbres des médecins d'Alexandrie sont Hérophile et Erasistrate qui développèrent les connaissances en anatomie et chirurgie. Erasistrate recommande à ses patients gymnastique et bains de vapeur. et s'oppose à la polypharmacie qui voit le jour à Alexandrie et est préconisée par les Empiriques, fondée par les disciples d'Hérophile, Philipos de Cos et Sérapion d'Alexandrie.
Pour cette école dont l'un des élèves les plus illustres est Héraclide de Tarente, chaque substance entrant dans la composition de leurs préparations complexes s'attaque à l'un des maux, même ignoré du médecin, que subit le malade. En se référant à cette théorie, les souverains, Cléopâtre, Artémise, Mithridate et le médecin Nicandre inventent des préparations magistrales dont celle qui aura le plus de succès, le Mithridaticum attribué à Mithridate Eupator, roi de Pont, et la thériaque, au médecin de Néron, Andromaque. L'école des Empiriques prône l'utilisation de remèdes dont l'efficacité est prouvée par l'expérience, d'où son nom. Mais cette méthode, n'ayant à sa base aucune théorie philosophique, tombera dans l'oubli contrairement à la polypharmacie qu'elle préconisait également.
Préparation de la thériaque
selon une illustration du traité de Nicandre
ROME
L'individualisme a perdu la Grèce, Rome la supplante.
"Graecia capta ferum victorem cepit.".
La Grèce, vaincue, vainquit son farouche vainqueur, selon le vers d'Horace. Cela se vérifie aussi pour l'art médical.
A Rome où s'est déjà exercée l'influence de la médecine étrusque fondée sur la magie et la divination, les Romains importent le culte d'Asclépios qui se romanise sous le nom d'Esculape.
Rome unifie la méditerranée, Mare Nostrum, et lui donne près de deux siècles de tranquillité. Avec l'empereur Auguste naît l'Empire, l'apogée de Rome, l'âge d'or des arts, de l'urbanisme avec la construction du Colisée. Aidé de son ami Mécène, Auguste protège les écrivains, Tite-Live, Virgile. Le siècle d'Auguste se termine sur un fait qui passe inaperçu à Rome. A Bethléem, en Judée, lointaine province romaine, Marie donne le jour à Jésus. Les Mages qui accourent offrent l'or, l'encens et la myrrhe.
L'art de guérir romain subit l'influence de la civilisation grecque. Considéré comme un art manuel et non comme un art noble comme la politique, la justice, il est exercé surtout par des Grecs. Ainsi, c'est le Grec Archangatos qui fonde à Rome, deux siècles avant J.C., une boutique qui sert à la fois de pharmacie, de cabinet de consultation et d'hôpital. Asclépiade, autre médecin grec installé à Rome, rédige son Cycle thérapeutique dans lequel à l'exemple d'Hippocrate il préconise des thérapeutiques douces. Pour les affections cutanées et oculaires, il recommande des formules à base de bile et de foie d'animaux (riches en vitamine A).
Asclépiade subit l'influence des théories atomistes de Démocrite et d'Epicure, selon lesquelles, l'organisme vivant est un agrégat de molécules séparées par des pores dans lesquels se déplacent sang et humeurs. Une modification de la taille des uns ou des autres entraîne la maladie. Le disciple d'Asclépiade, Thémison de Laodicée reprenant cette théorie, range les maladies en deux groupes, celles où les pores sont relâchés et celles où les pores sont resserrés. Lors des maladies chroniques, pour vider les pores, il préconise abstinence et saignées.
Les connaissances thérapeutiques des Romains se développent après leur pénétration en Asie. Le clivage entre médecins et pharmaciens se produit.
Cornélius Celsus, Pline, Scribonius Largus sont les médecins d'origine latine les plus représentatifs de l'époque.
Dans les années 25 après J.C., dans le De re medicina, Celsus cite les remèdes qui arrêtent l'écoulement du sang (vinaigre, encens, alun, vitriol), ceux qui cicatrisent les blessures (myrrhe, toile d'araignée), ceux qui ont des vertus apératives (Cinnamome), détersives (raifort, poireau), corrosives (noix de galle, alun, fiel). Pour les inflammations des yeux, il propose l'addition dans les collyres, de blanc d'oeuf (ce dernier est riche en lysozyme aux propriétés antivirales.) Il préconise saignées, applications de ventouses, cataplasmes, lavements, purgatifs, vomitifs. A sa mort, en dernier hommage, il est enseveli dans la bibliothèque d'Ephèse.
Largus rédige une pharmacopée vers 45 après J.C., Pline l'Ancien, une Histoire Naturelle, peu de temps avant sa mort qui eut lieu en 79, lors de l'éruption du Vésuve. Il cite l'Ephédra pour soigner la toux et l'asthme.
Histoire naturelle de Pline l'Ancien, Paris, BNF.
Parmi les plus connus des médecins de l'époque romaine figurent Galien et Dioscoride, tous deux natifs d'Asie Mineure.
Dioscoride, né en Cilicie en 109 après J.C., rédige un traité de Matière Médicale en cinq livres. Pour les 519 espèces de plantes, il donne le nom, les synonymes, l'origine et la variété la plus utile, la description, le mode de récolte et de préparation, les applications thérapeutiques. Il prescrit en particulier la fougère mâle aux propriétés vermifuges, le millefeuille comme anti-inflammatoire. Cette plante, dit-on, avait servi à soigner le talon blessé d'Achille, d'où le nom latin d'Achillea millefolium. Dans cet ouvrage, les règnes animal et minéral sont également abordés.
Avec Galien, né à Pergame en 131 après J.C., c'est l'ère galénique qui s'installe pour 13 siècles. Survivant à l'effondrement de l'Empire romain d'Occident, elle se confond avec le Moyen-Age. Venant d'Asie Mineure, Galien vient s'installer à Rome sur la Voie Sacrée où il devient le médecin de Marc Aurèle. Médecin des gladiateurs, il étudie l'anatomie et compose de nombreux traités qui serviront de base pour les médecins des siècles suivants.
Portrait de Galien (XVI° siècle)
Bibliothèque Faculté de Médecine Paris
Galien revient aux idées d'Hippocrate en prônant la Natura medicatrix. De l'utilité des parties du corps humain est une sorte d'hymne au Créateur. Il parle en monothéiste et se recommande d'Aristote. Aussi il aura la faveur des Pères de l'Eglise.
Il reprend en la développant la conception humorale qui avait été abandonnée par l'école d'Alexandrie et s'oppose à Asclépiade, l'Atomiste.
Cliché André Held
Fresque de la cathédrale d'Agnani (près de Rome) représentant Hippocrate et Galien qui seront considérés pendant tout le Moyen-Age comme les plus grands médecins de l'Antiquité.
Il fait correspondre aux quatre humeurs, quatre tempéraments, sanguin ou pléthorique, bilieux ou cholérique, atrabilaire, pituiteux ou lymphatique. La santé étant un équilibre, une crase, les maladies sont des dyscrasies, un mélange imparfait des humeurs. D'après la composition et l'aspect des humeurs dont l'urine serait le reflet, on pourrait connaître, selon lui, le type et la localisation de la maladie.
Galien expose en finaliste l'anatomie et la physiologie. Les organes sont selon lui en adéquation avec leur fonction. Pour Asclépiade, par contre, les organes sont modelés par leur activité. C'est un précurseur du transformisme.
Il compose une pharmacopée appelée de son nom, Galénique, avec de nombreuses présentations de médicaments (formes galéniques). Il divise les remèdes en simples dont l'action est élémentaire (apportant le froid, le chaud,..., spécifiques ou toxiques et combinés dont l'action est à la fois élémentaire et spécifique, par exemple, les narcotiques qui donnent froid et endorment.).
LA GAULE
En Gaule, l'art de guérir qui doit de nombreux emprunts à la médecine romaine,
est exercé par les druides et leurs adjoints, les ovates, les druides faisant fonction de médecins et les ovates, de pharmaciens. La thérapeutique est à base de plantes récoltées au solstice d'été, avant le lever du soleil et d'eaux thermales.
L'usage de nombreuses plantes est importé de Rome lors de la romanisation de la Gaule. D'autres appartiennent au patrimoine gaulois. Ainsi, le gui qui présente un caractère sacré. Poussant en touffes sur les arbres, cette plante qui peut évoquer le développement d'une tumeur, contient des protéines permettant l'arrêt de la division des cellules cancéreuses.
Jusquiame et Primevère antinévralgiques, Verveine, Sauge et Trèfle sont utilisées.
Témoins de l'art pharmaceutique de l'époque, de petits vases à collyre ont été trouvés dans la région toulousaine et dans celle de Reims. Livrés sous forme d'un solide timbré avec le cachet du fabricant, les collyres sont confectionnés avec de l'ambre, du Millefeuille, de la Verveine, de l'encens, de la myrrhe, du Lierre. Au moment de l'emploi, ils sont délayés dans un liquide mentionné sur le cachet: lait ou suc de plante.
Les Gaulois croient aux vertus thérapeutiques de l'Ambre. Porté en collier, il protégeait des maladies, ce qui explique le nombre de colliers trouvés dans les tombes gauloises.
Dans la thérapeutique gauloise, les sources et le thermalisme hérité des Grecs et des Romains jouent un grand rôle. Vichy, Néris-les-Bains, Plombières en attestent.
Rédaction: J.C.D,
Iconographie: J.L.D.
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